• Mes convictions

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    Libérer la force de l’humain
  • Mon moteur

    Mon moteur

    « Dans un monde en changement, trouver
    les réponses appropriées, s’engager et agir »
  • Mon expérience

    Mon expérience

    La direction d’entreprise
    Négociations internationales
    Adaptabilité

Faire du médecin de famille le pilote de la prise en charge

Interpellation déposé le 27.09.18 au Conseil national – non traité

On sait qu'un pilotage centralisé de la prise en charge du patient améliore les soins et réduit les coûts, et ce d'au moins 15 pour cent selon les chiffres officieux de certaines caisses maladie. On se souvient aussi que la loi sur le "managed care" qui voulait imposer des réseaux de médecins aux assurés a été largement refusée en 2012. Il existe une variante plus souple où le patient a le libre choix de tous les médecins et prestataires mais où seul son médecin "pilote" pour l'envoyer chez un spécialiste. Le médecin "pilote" veille ainsi à la cohérence du parcours médical. Il est formé et rémunéré en conséquence.

Ce modèle est brièvement évoqué dans la mesure 27 "imposer un système de gatekeeping" du rapport fédéral "Mesures visant à freiner la hausse des coûts dans l'Assurance Obligatoire des Soins".

1. Que pense le Conseil fédéral d'un tel modèle?

2. Est-il prévu d'étudier les effets de ce modèle aux Pays-Bas?

3. Serait-ce un bon moyen de revaloriser le statut du médecin de famille suisse?

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Complémentarité entre aide humanitaire et aide au développement de la Suisse

Postulat déposé le 16.06.17 au Conseil national – liquidé

Le Conseil fédéral est prié d'étudier comment optimiser la complémentarité nécessaire entre l'aide humanitaire et l'aide au développement, sachant que la première opère dans une logique d'aide d'urgence et la seconde à plus long terme.

Là où il y a besoin d'aide humanitaire d'urgence, il y a bien souvent également besoin d'aide au développement. Il est crucial d'articuler ces deux types d'aide de manière cohérente afin de garantir la durabilité des actions mises en oeuvre par l'aide humanitaire dans les situations d'urgence. En effet, les populations sortant d'une situation de détresse extrême doivent pouvoir se projeter dans des perspectives de vie que l'aide au développement peut contribuer à mettre sur pied.

Le message sur la coopération internationale 2017-2020 mentionne le renforcement des liens entre aide humanitaire et aide au développement, afin de renforcer l'optimisation des ressources financières mises à disposition et produire les résultats escomptés.

Une courte étude permettrait de préciser les modalités de mise en oeuvre.

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Dossier électronique du patient. Meilleure santé à moindre coût

Postulat déposé le 16.03.18 au Conseil national – non traité

Le Conseil fédéral est chargé d'étudier, avec les cantons, le ratio coût/bénéfice du dossier électronique du patient (DEP) et, si les chiffres en confirment le bien-fondé, d'établir les moyens nécessaires pour sa généralisation rapide.

Les bénéfices attendus du DEP, en termes de qualité du traitement administré et de réduction des coûts, devraient à moyen terme largement dépasser le coût initial de sa mise en oeuvre. Cependant, l'efficacité du DEP dépend aujourd'hui de la résistance de son maillon le plus faible: une partie des médecins indépendants, pharmaciens, laboratoires n'adopteront le DEP que très tard, vu que c'est à eux de le financer. Or, seule une mise en oeuvre universelle du DEP permettra d'en tirer tous les bénéfices.

Parallèlement, il s'agirait aussi d'étudier comment remédier à la pénurie de spécialistes en big data médical.

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Rapport sur la Corée du nord

Claude Béglé a séjourné une dizaine de jours en Corée du Nord durant le mois de juillet. Il est venu dans ce pays très fermé avec un triple objectif:

1. Essayer de comprendre sans a priori et de ses propres yeux ce qui s’y passe;

2. Écouter ce qui se dit du processus de paix, de dénucléarisation et de réunification de la Corée. 
Anticiper ce qui pourrait se passer au plan économique en cas d’ouverture graduelle du pays;

3. Ceci est la visite privée d’un parlementaire fédéral, sans mandat officiel de la part d’une quelconque instance politique de Suisse. Ces commentaires n’engagent évidemment que lui;

Au terme de cette visite, il a publié un rapport détaillé, accessible à tous.

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Smart data. Faire de la Suisse la championne d’une digitalisation durable et à forte valeur ajoutée

Motion déposée le 15.06.18 au Conseil national – non traité

Il est demandé au Conseil fédéral d'inscrire le Smart data dans les priorités de la stratégie Suisse numérique actualisée d'ici fin 2018.

Le volume des données numériques explose. Leur gestion nécessite de nouvelles infrastructures voraces en électricité. Le "Smart data" répond à ces défis en proposant une récolte sur mesure des données qui présente beaucoup d'avantages:

1. Préservation de l'environnement. Alors que le "Big data" engrange un maximum de données et les analyse ensuite, le "Smart data" opère un tri à la source et ne récolte que les données utiles. D'où une réduction des flux et des stocks de données.

2. Création de valeur ajoutée. Le tri précoce des données oblige à une analyse de celles-ci très en amont, ce qui permet d'obtenir plus vite des informations plus pertinentes.

3. Amélioration de la protection des données personnelles grâce à une anonymisation à la source.

Mais surtout, la Suisse a tous les atouts pour devenir un champion du "Smart data": bonnes conditions cadres, infrastructures de qualité, positionnement au carrefour des connexions européennes. Elle peut également capitaliser sur son savoir-faire issu de l'horlogerie et des instruments de précision et sur sa maîtrise de la basse consommation pour installer des équipements miniaturisés et peu énergivores sur les objets connectés.

Face au "Big data", le Conseil fédéral doit promouvoir l'alternative "Smart" qui, en plus d'être respectueuse de l'environnement et de la sphère privée, offre de nouvelles perspectives pour notre industrie. Selon la tradition suisse du "small is beautiful".

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Comment mieux soutenir l’engagement de la Suisse en faveur de la paix?

Interpellation déposée le 15.06.18 au Conseil national – non traité

La promotion de la paix n'est ni de gauche, ni de droite. Aucune idéologie ne peut se l'approprier.

Elle permet de maintenir la stabilité dans certaines régions troublées et d'éviter toute la détresse et toutes les horreurs qui peuvent survenir lorsqu'un territoire bascule dans le chaos.

Ses moyens relèvent à la fois de la prévention, de l'atténuation des conflits et de la gestion des sorties de crises. Ils impliquent autant des mesures contraignantes (troupes envoyées sur le terrain, justice transitionnelle) qu'inclusives (abandon de la violence, travail sur la mémoire collective, pardon mutuel, renforcement de la société civile).

Or, il se trouve que notre pays est devenu un expert en la matière en raison de sa neutralité, de sa petite taille (il n'est une menace pour personne), de sa tradition humanitaire, de son expérience diplomatique et de la compétence de ses experts dans ce domaine développée depuis plus de cinquante ans.

Un bon exemple de cela est GAAMAC (Glolbal Action Against Mass Atrocities Crimes). Cette organisation presque inconnue du grand public fait un travail remarquable. Elle travaille:

a. sur la prévention des conflits en mobilisant en même temps des représentants officiels et de la société civile. C'est ainsi qu'un groupe de pays africains a préparé un manuel de prévention à l'adresse des autorités concernées;

b. à la mise en place d'une justice transitionnelle (avec la Cour pénale internationale, ainsi qu'au niveau de certains pays);

c. sur le passé et la mémoire collective, préambule nécessaire aux efforts de réconciliation et de reconstruction;

d. à l'élaboration de solutions de sorties de crises qui soient durables et acceptables par l'ensemble des parties.

Tout cela est le travail d'une petite équipe qui oeuvre au sein de la Direction de la sécurité humaine (DFAE), tout en s'appuyant sur un vaste réseau international, ceci de façon discrète, mais très efficace. C'est devenu un des fers de lance de la crédibilité de notre pays dans le concert des nations.

Comment la Confédération et notre Parlement peuvent-ils soutenir ce fleuron de notre diplomatie afin qu'il bénéficie des moyens appropriés pour mener à bien sa mission?

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Quid des djihadistes du Moyen-Orient? Encourager la création d’un tribunal international et de prisons sur place

Interpellation déposée le 22.03.19 au Conseil national – non traité

Le Conseil fédéral serait-il disposé à étudier avec l'ONU, et en particulier des pays partageant nos valeurs, comment établir un Tribunal pénal international et une structure permettant que les djihadistes puissent être jugés et incarcérés sur place? Une telle approche pourrait s'appliquer par extension à des cas de guerre civile où la juridiction pertinente est incertaine.

La création d'un tribunal international semble nécessaire. C'est en étant sur place que la justice pourra le mieux faire son travail: recueillir des témoignages et des preuves, mener des interrogatoires.

Comment garantir des procès équitables en appliquant le droit international? Une procédure centralisée permettrait d'assurer une égalité de traitement entre ressortissants de pays divers. A l'inverse, des procédures juridiques incertaines et éparpillées à travers le monde risquent d'engendrer une certaine confusion.

La question qui se pose est celle du droit applicable. Il s'agira de définir collectivement et rapidement certains principes de base qui viendraient le cas échéant compléter le droit en vigueur dans les pays où se sont produits les faits incriminés.

Une fois prononcées, les peines seraient purgées sur place dans des pénitenciers locaux, mais avec la présence d'observateurs internationaux. Ces structures carcellaires seraient organisées et financées par les pays de provenance des djihadistes.

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Comment stimuler l’esprit pionnier suisse?

Interpellation déposée le 23.03.19 au Conseil national – non traité

De bonnes conditions-cadres pour la recherche ne suffiront bientôt plus pour être leader mondial en termes d'innovation, de dépôts de brevets et de "blockchain", comme l'est la Suisse. Les nouveaux géants du numérique naissent ailleurs. En 18 mois, la plateforme "blockchain" chinoise Binance est passée de zéro à un milliard de bénéfice. Et l'entreprise développe au pas de course tout un écosystème: Binance Labs, Binance Info, Binance Chain, Binance Uganda etc.

La "blockchain" est une "frontier-tech" qui permet d'explorer au-delà des limites connues de la technologie. La maîtrise technologique ne suffit pas pour être bon dans un tel secteur: il faut développer en Suisse un esprit pionnier tel qu'on le trouve dans la Silicon Valley.

Qu'en pense le Conseil fédéral ?

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Permettre à la Suisse de devenir l’épicentre de la gouvernance internationale du numérique

Postulat déposé le 28.09.17 au Conseil national – adopté

Le Conseil fédéral est prié d'étudier comment la Suisse pourrait devenir l'épicentre mondial de la gouvernance internationale du cyberespace. Il s'agira de favoriser l'avènement d'une Convention de Genève du digital qui contiendra les principes garantissant une utilisation pacifique du cyberespace; de prévoir la création d'un organisme neutre, type CICR, pour l'application de ces principes; de promouvoir activement Genève pour accueillir cet organisme.

C'est une démarche qui correspond totalement à la nature de l'engagement suisse au niveau international. La Suisse doit pouvoir se positionner rapidement et clairement sur ce dossier.

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Financer l’humanitaire par le biais du secteur privé

Postulat déposé le 17.03.17 au Conseil national – liquidé

Le Conseil fédéral est prié d'étudier comment des organisations humanitaires telles que le CICR pourraient être davantage financées par le secteur privé. Il ne s'agit ici ni des contributions des grands donateurs (Etats, entreprises, fondations, particuliers), ni de celles consenties à titre philanthropique par certaines entreprises. Par contre, il s'agit de recourir à ces dernières pour leur "core business". Il n'est pas question de remplacer les flux de dons existants, mais d'y adjoindre une source nouvelle de financement. De nombreuses institutions y ont déjà recours (Nations Unies, Banque mondiale).

Il faudrait commencer à identifier un portefeuille de projets "bancables" (par ex. mise en place d'une infrastructure d'accueil des réfugiés à reconvertir en projets immobiliers). Le CICR a déjà des idées concrètes à ce propos.

Des institutions bancaires émettraient ensuite des emprunts ou parts de fonds d'investissement de type "impact investment" qui seraient proposés à leurs clients habituels, aux conditions usuelles du marché.

Ces produits financiers comporteraient toutefois un risque élevé (politique, sécuritaire). Afin que ces produits financiers soient compétitifs, il serait bon que la Confédération prenne à sa charge la couverture de certains risques, comme elle le fait déjà dans le cadre du SERV pour garantir les risques à l'exportation de nos entreprises.

L'étude porterait notamment sur l'identification des projets considérés comme "bancables", sur la nature précise des risques à assurer, sur le modèle économique et sur les implications indirectes qu'une telle initiative pourrait avoir en termes de neutralité par exemple.

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Ne pas attendre une épidémie grave: Créer un fond pour stimuler la recherche et le développement de nouveaux agents anti-microbiens

Postulat déposé le 21.06.19 au Conseil national – non encore traité au conseil

Le Conseil fédéral est chargé d'envisager la création d'un fonds spécial pour stimuler la recherche et le développement de nouveaux agents antimicrobiens en Suisse et chercher la collaboration internationale.

Exposé des motifs:

D'un côté, les antibiotiques sont souvent prescrits de manière large ce qui stimule la résistance des bactéries les plus coriaces: cela pourrait conduire à une épidémie majeure.

D'un autre côté, la recherche s'assèche: dans l'après-guerre, une cinquantaine de nouvelles classes d'antibiotiques ont été créées, seulement 3 depuis 25 ans. Ce secteur n'est plus rentable pour les entreprises pharmaceutiques.

Les pouvoirs publics doivent prendre le relais afin de protéger la population. II s'agit de créer un fond de recherche dédié, d'envergure nationale ou, mieux, d'envergure internationale, puisque ce problème concerne tout le monde. Une vingtaine de milliards permettrait de développer 5 à 10 nouvelles classes d'antibiotiques.

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Rapport sur la Corée du Nord

RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE 
 

1. But et cadre du voyage 

Je suis venu en Corée du Nord avec un triple objectif :

  • Essayer de comprendre sans a priori et de mes propres yeux ce qui s’y passe. 
  • Écouter ce qui se dit du processus de paix, de dénucléarisation et de réunification de la Corée. 
  • Anticiper ce qui pourrait se passer au plan économique en cas d’ouverture graduelle du pays. 

Ceci est la visite privée d’un parlementaire fédéral, sans mandat officiel de la part d’une quelconque instance politique de Suisse. J’ai payé ce voyage de ma poche, sans que ça ait coûté quoi que ce soit à la Confédération et aussi pour assurer mon indépendance d’analyse et de jugement. En revanche, ce sont les Autorités coréennes qui ont défini – en concertation avec moi – l’organisation des rencontres, visites de site et déplacements. Les commentaires ci-dessous n’engagent évidemment que moi. 

Il existe beaucoup d’idées préconçues de part et d’autre, en Corée du Nord, mais aussi chez nous, au sujet de ce qui se passe de l’autre côté du miroir. J’ai jugé utile de m’en rendre compte par moi-même, sur la base des années que j’ai passées en Europe de l’Est au moment du changement de système et des grandes privatisations. On peut observer d’assez nombreux parallélismes, mais avec quelques exceptions. J’ai tenu à faire une analyse aussi impartiale que possible, en relevant à la fois les points où le système nord-coréen me semble dans l’erreur, mais en notant aussi ce qui s’y fait de bien. Une meilleure compréhension mutuelle de la réalité de l’autre système, au-delà de toute idéologie, me semble être une condition sine qua non à un éventuel rapprochement entre la Corée du Sud et celle du Nord et au phénomène de dénucléarisation de la péninsule. 
 

2. Un pays, deux réalités

La Corée du Nord a deux faces. Les deux sont bien réelles. Comme beaucoup de pays à économie intermédiaire, coexistent à l’intérieur même du pays deux niveaux de développement très différents l’un de l’autre. Et les écarts n’ont pas l’air de se résorber, mais plutôt tendance à s’accentuer.

A quoi il faut ajouter un élément spécifique à la Corée du Nord: le fait que c’est l’un des derniers au monde à entretenir une idéologie communiste et des pratiques inspirées de Staline: manque crasse de transparence, pensée unique, mesures de contrainte envers les dissidents, camps de travaux forcés, voire élimination des opposants politiques. 

Ce pays de 25 millions d’habitants fonctionne donc à deux vitesses: 20 millions d’entre eux qui vivent dans des conditions de réelle précarité et probablement sans autre choix que de subir leur sort, et 5 millions pour lesquels les conditions d’existence se présente de façon bien plus favorable.

Dans le premier cas, il s’agit d’une population essentiellement rurale, en zone montagneuse, soumise aux aléas de la nature (tantôt inondations, tantôt sécheresse comme cette année). Mais il peut aussi s’agir d’ouvriers forcés de travailler dans de grands conglomérats industriels ou dans les mines, comme cela était chose courante dans les goulags de la défunte URSS. On sait que lors de l’effondrement de celle-ci, la Corée du Nord a connu une période très critique ayant entraîné entre un et deux millions de morts. Qu’en est-il aujourd’hui? Il semble que la situation soit encore misérable; mais probablement s’est-elle marginalement améliorée, bien je ne puisse pas la commenter, n’y ayant pas été. 

Le deuxième cas de figure est très différent. Et il ne concerne pas qu’une poignée de dignitaires et autres favorisés proches du régime. J’ai pu en faire la constatation à Pyongyang bien sûr, mais aussi à Wonsan (troisième ville du pays) et le long des quelque 700 kilomètres parcourus à travers le pays. Ce que j’ai vu est loin d’être catastrophique, sans misère apparente. Ce qui frappe le plus, c’est une population travailleuse et méticuleuse, soucieuse de bien faire (en contraste marqué avec le régime bolchevique). J’ai vu des usines dans lesquelles se faisaient des investissements, une agriculture prise au sérieux, des logements pas luxueux mais convenables et des magasins (auxquels je décidais moi-même d’aller) bien achalandés. Et j’ai pu prendre librement des centaines de photos pour en attester. A une telle échelle, ça ne peut pas être qu’un effet Potemkine. La Corée du Nord est déjà, à mon avis, un pays à économie intermédiaire. 

Probablement, il y avait vingt ans, l’écrasante majorité de la population faisait-elle partie de la première catégorie, celle qui vit presque sans liberté dans un état misérable, exception faite de quelques privilégiés proches du parti ou des forces armées. Mais la situation semble avoir évolué dans le sens d’un accroissement substantiel de la population appartenant à la deuxième catégorie, celle qui n’est plus dans le besoin et a davantage de marge de manœuvre. 

La Corée du Nord présente donc bel et bien deux faces distinctes: l’une plus grimaçante, héritée du marxisme-léninisme, et l’autre comptant à son actif quelques belles réussites. Il serait faux de vouloir ignorer l’une d’entre elles, quelle qu’elle soit. 
 

3. Un régime totalitaire

Il ne fait aucun doute que le système nord-coréen est totalitaire et dictatorial, avec très peu de libertés individuelles et une imposition stricte de la notion de discipline. On est au royaume de la pensée unique, les idées dissidentes n’y ont pas leur place.

Cela est évidemment un héritage du régime soviétique, et même stalinien, avec son cortège historique de dérives: Armée et police toutes puissantes, élimination des rivaux ou opposants politiques, camps d’internement dont on n’était pas certain de revenir, travaux forcés, etc. 

Un exemple récent a été l’assassinat à l’aéroport de Kuala Lumpur du frère aîné du Président Kim Jung Un, que certains observateurs avisés considéraient comme l’homme par lequel une transition démocratique aurait pu se produire. 

Qu’en est-il aujourd’hui? Difficile de se faire une opinion, vu l’omerta qui plane sur ces questions. Il semble néanmoins évident que les Droits de l’Homme sont encore fréquemment bafoués en Corée du Nord. Une commission des Droits de l’Homme de l’ONU considère à plusieurs centaines de milliers le nombre de prisonniers politiques qui sont morts au cours des cinquante dernières années. Et il y aurait encore un grand nombre de détenus politiques. Mais il n’existe pas de statistiques fiables et on ne m’a évidemment rien laissé entrevoir à ce propos. Mais force est de constater que cela correspond à l’ADN du régime.

Ce qui est du domaine public en revanche, c’est que les citoyens nord-coréens ne peuvent pas circuler librement. Pour ceux qui ne résident pas à Pyongyang, il faut un permis pour entrer dans la capitale. Il en va de même à proximité de la ligne de démarcation et dans la zone proche de la frontière avec la Russie.

L’apparente acceptation de ce système totalitaire par la population, avec un manque de recul et d’esprit critique, m’a paru curieux. C’est une question que j’ai souvent posée, mais pour nombre de mes interlocuteurs, cela semblait aller de soi que le système dans lequel ils vivaient était le mieux adapté à la situation. Je me suis donc demandé d’où provenait l’apathie avec laquelle les gens acceptent le système en place. Trois raisons me semblent envisageables. Bien sûr, cela peut provenir de la crainte de représailles. Et aussi du fait qu’ils n’ont rien connu d’autre. Troisièmement, il se pourrait aussi qu’à la pensée socialiste et collectiviste vienne s’adjoindre un élément culturel commun tant aux pays capitalistes que communistes de la région: la conception d’une responsabilité propre qui dépasse la sphère individuelle, mais s’inscrit plutôt au service dès la collectivité: comme au Japon ou en Corée du Sud par exemple.  
 

4. Un système politique verrouillé

Il y a un écart notoire entre ce que déclare la Constitution et ce qu’on peut observer. Officiellement, il s’agit à l’article 1 d’un « État socialiste souverain qui représente les intérêts de tout le peuple coréen ». A quoi s’ajoute, à l’article 5, que le mode de gouvernance de l’Etat est celui du « centralisme démocratique ». 

De son côté, l’indice de démocratie établi par “The Economist” place la République Populaire et Démocratique de Corée (RPDC) au dernier rang mondial. 

C’est le Parti du Travail de Corée (PTC), à savoir l’ancien Parti Communiste, qui détient le pouvoir politique. Il y a bien deux autres partis (le Parti Social Démocratique de Corée et le Parti Chondogyo-Chong-u), mais ils sont sous la coupe du PTC. 

Le pouvoir législatif central est constitué par l’Assemblée Populaire Suprême, avec 687 députés élus pour cinq ans. Cependant, les députés à l’Assemblée Populaire Suprême ne sont en réalité pas élus par le peuple, au sens où nous l’entendons, mais plutôt sélectionnés et cooptés par les instances supérieures de l’appareil étatique, et alors seulement présentés à l’élection populaire. Le chef de l’Assemblée Populaire Suprême est le Président Kim Jung Un. 

J’ai personnellement eu l’occasion d’assister à des élections régionales, ce qui est en fait un jour de fête et d’adoubement pour les candidats choisis par le régime. Il y a bien un isoloir et des urnes. Mais avant même que le bureau de vote n’ouvre, le vainqueur est déjà connu de tous. La population est invitée à revêtir ses plus beaux atours (costumes traditionnels), il y a des chants et des danses; bref c’est la liesse.

Quant à l’organe exécutif suprême, dont les membres sont élus par l’Assemblée Populaire Suprême, c’est le Comité des Affaires de l’Etat, dont la mission explicite est de contrôler à la fois la puissante Armée Populaire de Corée, le Parti du Travail de Corée et le Gouvernement. Autant dire qu’il a tous les pouvoirs. Et c’est également Kim Yong Un qui en a la Présidence. 

Cela étant, il est intéressant de constater qu’il est en train de remplacer la vieille garde par des cadres plus jeunes et plus expérimentés. C’est ainsi que M. Rob Moo-Hyun (91 ans), ancien Chef de l’Etat, vient d’être remplacé en avril 2019 par M. Choe Ryong Hae, de même que l’ancien Premier ministre, M. Pak Pong-Ju (79 ans) par M. Kim Jae-Ryong. 

Quant à la doctrine du PTC, elle se base sur celle du marxisme-léninisme, mais avec des éléments supplémentaires propres à la Corée du Nord: il s’agit de celle du « Juche », à savoir une recherche systématique d’indépendance et de souveraineté nationale, à la fois au plan économique et économique.  
 

5.  Le culte de la personnalité 

Il existe partout une sorte de vénération à l’égard du fondateur de la dynastie, Kim Il Sung, qui a mené la guerre d’indépendance face au Japon, puis combattu contre les troupes américaines et alliées; de son fils le Grand Dirigeant Kim Jong Il, qui a repris le flambeau en 1994; auquel a succédé 2011 le fils cadet de celui-ci, l’actuel Leader Suprême, Kim Jong Un. Ça en fait la première dynastie communiste du monde.

Leurs portraits (souvent à deux) se retrouvent partout: dans la rue sur des pancartes géantes, dans le métro, à l’entrée de tous les bâtiments officiels et des usines, souvent même à l’intérieur des immeubles et des pièces. Et il est de coutume que les Coréens s’inclinent devant l’effigie de leurs leaders. J’ai aussi constaté que les conducteurs ralentissaient, par respect, en longeant certains bâtiments officiels. 

Mangyongdae, le lieu de naissance du Président Kim Il Sung, est devenu une sorte de lieu de pèlerinage. Un peu comme s’il s’agissait d’un Saint. De même, la date de naissance de Kim Il Sung est devenue le jour 1 de l’an 1 du calendrier coréen. 

Il est également assez fréquent de montrer en souvenir, presque avec vénération, des objets associés à un des membres de la famille Kim: par exemple au Musée de la guerre de libération de la patrie, le « siège sur lequel Kim Jung Il s’est assis lors de la visite d’une usine textile, le 30 juillet 2009 »… 
 

6. Orchestration de la propagande

La propagande est partout. Les médias sont strictement contrôlés. Et un dérapage est inimaginable. Internet est également étroitement surveillé, si tant est qu’il passe. Et bien sûr, les réseaux sociaux sont proscrits.

Le régime de Pyongyang organise des manifestations et spectacles grandioses. Le plus impressionnant en est le « Pays du Peuple », une superproduction dans un vaste stade avec des dizaines de milliers d’acteurs et figurants. L’orchestration de ces ballets à très grande échelle implique une parfaite discipline; mais ce qui m’a frappé encore plus, c’est l’immense panneau du fond sur lequel apparaissent des slogans qui reviennent en boucle. Or, ce panneau n’est pas électronique; ce sont des centaines d’élèves qui brandissent des pancartes de couleurs différentes et dont l’ensemble forme une image. Les changements se font en un clin d’œil, avec une précision sidérante. 

Comme c’était le cas dans les pays du bloc soviétique, les dirigeants ont su tirer un profit maximal du talent des artistes locaux pour rendre leur propagande esthétique. Cela reste de la propagande, mais c’est beau. Un des meilleurs exemples en la matière est le spectacle des enfants, parfaitement bien mis en scène et avec des performances de qualité.  

L’architecture est un autre moyen d’affirmer la grandeur du système et d’agir sur l’imaginaire de la population. Il y a d’un côté les imposants bâtiments publics que sont le Palais des Études du Peuple (une immense bibliothèque nationale ouverte à tous les résidents de Pyongyang), le Palais du Soleil (où reposent Kim Il Sung et Kim Jong Il), l’Arc de Triomphe, le monument Juche, des stades, ainsi que les sièges des administrations publiques. Mais il y a aussi une architecture civile aux formes résolument modernes, détonnant d’avec l’austérité soviétique. Certains de ces bâtiments sont dysfonctionnels, à l’instar de cette haute pyramide de verre qui est l’un des symboles de la silhouette de Pyongyang, mais qui est restée inoccupée depuis sa construction. 

Certes, Pyongyang n’est pas représentative de la Corée dans son ensemble, et encore moins les bâtiments qu’on nous fait visiter. N’empêche que des tours – parfois assez luxueuses – voient le jour un peu partout, et ça ne peut pas être un seul effet Potemkine. 

Cela étant, au delà de ce qui nous agace nous autres Occidentaux, cette propagande a un effet mobilisateur non-négligeable. Elle semble ne pas trop déranger la population, les gens s’y étant habitués. Mais elle permet de cultiver l’esprit « juche », avec une vision partagée et une assez grande cohésion dans l’ensemble de la population.

On se retrouve sans cesse en Corée du Nord confronté à des mots creux, mais paradoxalement aussi à des réalisations concrètes.  
 

7. Dernier Carré de l’Internationale Socialiste 

La RPDC est un typique produit de la Guerre Froide. C’est pourquoi durant de nombreuses années, aucun pays du monde occidental n’entretenait de relations diplomatiques avec elle. En revanche, elle en avait de très bonnes avec l’ensemble du Bloc Socialiste. 

Aujourd’hui, les choses se sont normalisées et la plupart des pays, quelle que soit leur orientation politique, ont noué des relations diplomatiques avec la RPDC, à l’exception notoire des Etats-Unis et de quelques autres. Au passage, la RPDC souhaiterait accréditer un ambassadeur à Berne et en accueillir un à Pyongyang, un peu comme c’est le cas avec la Suède, qui assure la protection diplomatique des intérêts américains en Corée du Nord. 

S’il est perceptible qu’à l’origine, la Corée du Nord a surtout été influencée par l’Union Soviétique, c’est aujourd’hui la Chine qui a pris le relai. Probablement à cause de la longueur des frontières respectives (1’416 kilomètres avec la RPDC, par rapport aux 19 km de frontière avec la Russie. Mais aussi pour des raisons idéologiques, la Russie n’étant plus du tout un pays communiste. La Chine est donc l’Etat qui soutient le plus et le mieux la Corée du Nord, notamment en l’aidant peut-être à aménager une porte arrière par rapport à certaines des sanctions qui lui sont imposées. De l’ancien bloc soviétique, c’est probablement avec les Mongols que les Nord-Coréens entretiennent les relations les plus amicales. Elles sont aussi bonnes avec le Viêt Nam. 

Cela étant, la RPDC est l’un des derniers endroits au monde où se retrouvent les représentants des pays et mouvements d’extrême-gauche. Comme j’étais installé à l’Hôtel Koryo – celui du Parti -, j’ai pu me rendre compte des visiteurs reçus à Pyongyang. Et on retrouve les mêmes au cours des spectacles officiels, les circuits de visites étant en général assez courts et similaires. C’est ainsi que j’ai croisé une délégation des jeunesses vénézuéliennes. A la même période sont venues une délégation cubaine, ainsi que plusieurs en provenance d’Afrique. Cela m’a valu des discussions assez approfondies avec le chef de l’opposition au Mali. Pour la petite Histoire, j’ai croisé à plusieurs occasions une délégation de jeunes communistes suisses, en provenance du Tessin ! 
 

8. Priorité aux questions militaires

L’extrême militarisation de la RPDC s’explique par deux raisons: d’abord par le contexte historique et aussi par la nature même du régime nord-coréen, issu de celui de l’URSS. 

Les Coréens n’ont pas oublié l’humiliante occupation de la péninsule coréenne par les Japonais, durant une quarantaine d’années, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Puis à peine le pays a-t-il été libéré qu’il est devenu un terrain d’affrontement entre l’Union Soviétique et les Etats-Unis, la ligne de démarcation se situant sur le 38eme parallèle. C’est alors qu’eut lieu la Guerre de Corée, entre 1950 et 1953. Les troupes de Corée du Nord, dirigées par Kim Il Sung, lui-même soutenu par Staline et Mao, entrèrent le 25 juin 1950 en Corée du Sud pour réunifier la péninsule sous leur égide. Forte de 130’000 hommes, elles commencèrent par écraser l’armée de Corée du Sud et à occuper la plus grande partie du territoire en dessous du 38eme parallèle. La contre-offensive des forces des Nations-Unies, essentiellement américaines, les repoussa vers l’extrême Nord du pays. Les Chinois envoyèrent alors un renfort massif d’un million d’hommes pour soutenir Kim Il Sung; et les positions se figèrent à nouveau là où elles étaient auparavant. Avec au passage un bilan de quelque deux millions de morts, dont plus de la moitié en Corée du Nord. 

La situation est dès lors plus ou moins stabilisée, avec néanmoins de gros effectifs militaires des deux côtés des 238 kilomètres de frontière séparant le Nord et le Sud. Quelque 30.000 soldats américains sont stationnés en Corée du Sud. La Suisse et la Suède jouent un rôle important en veillant à la bonne application du cessez-le-feu le long de la ligne de démarcation.

Cet apaisement relatif a été émaillé, au cours des années, de divers incidents. Des incidents récurrents se produisent. Le 21 janvier 1968, des agents Nord-Coréens attaquent le Palais présidentiel à Séoul. Puis c’est l’arraisonnement du navire-espion américain El Pueblo dans les eaux territoriales nord-coréennes. Après que les Etats-Unis ont présenté leurs excuses, l’équipage a été libéré. Mais les Nord-Coréens font visiter ce bateau (je l’ai fait) avec son équipement de la CIA. Puis a eu lieu la crise des missiles de 2013.   

L’effort extrême réalisé par la Corée du Nord en matière d’armement relève de la doctrine de Songun (priorité absolue à l’Armée). En jargon nord-coréen: « l’emporter sur un ennemi numériquement et techniquement supérieur par la supériorité tant politique et idéologique que stratégique et tactique ». A savoir, à la fois entretenir des troupes qui croient en leur mission et prêtes à tout pour y parvenir; et investir massivement dans l’armement et les fonctions de soutien.

C’est ainsi que l’armée et les usines d’armement ont reçu une priorité inconditionnelle. Leur budget équivaut à 25% du PNB. 

A quoi s’ajoute une fierté nationale et un patriotisme très marqué. Les termes de souveraineté et d’indépendance reviennent très souvent. On ressent même une certaine fierté à posséder des ogives nucléaires et donc à faire partie de la cour des grands. Sans cet élément-là, en quoi le Président Trump se serait-il autant intéressé à un petit pays sans grandes ressources comme la Corée? 

L’Armée Populaire de Corée (APC) a été fondée en février 1948. Elle est placée sous le commandement suprême du Maréchal Kim Jung Un en personne. Le Ministre de La Défense est le Général Pak Yong Sik et le chef d’Etat-Major le Général Ri Yong Gil. 

L’Armée Populaire de Corée compte 1.125.000 militaires actifs (environ 4.5% de la population) et 9.500.000 réservistes, soit au total plus de 40% de la population.  Il s'agit de la quatrième plus importante armée du monde en effectifs et la première en nombre de militaires. Le volet militaire est évidemment l’une des pièces maîtresses du régime, celui-ci en prend soin.

Elle est constituée en forces terrestres, navales, aériennes et spatiales. 

A quoi s’ajoute un complément semi-civil: les Gardes Rouges des Ouvriers et Paysans, ainsi que les Gardes Rouges des Étudiants. 

En comparaison avec la Corée du Sud, l’Armée Populaire de Corée dispose d’effectifs qui sont à peu près le double en nombre de soldats, de 4.200 chars (soit également le double, mais ils sont assez vétustes), de 2.200 véhicules de troupes blindées (un peu moins qu’au Sud), de 8.600 pièces d’artillerie (50% de plus qu’au Sud), de 740 navires de guerre (quatre fois plus qu’au Sud), de 70 sous-marins (sept fois plus qu’au Sud), de 170 hélicoptères de combat (légèrement moins qu’au Sud) et de 820 avions de combat (près du double en nombre d’appareils, mais incomparablement moins modernes que ceux que les Etats-Unis fournissent à la Corée du Sud). 

En fin de compte, qu’adviendrait-il en cas de déflagration? Difficile d’en prédire l’issue. D’un côté, le matériel dont dispose la Corée du Sud est nettement plus performant que celui aux mains de la Corée du Nord. D’autant qu’un soutien aérien de la part des Etats-Unis serait envisageable. Et c’est de très loin la plus puissante armée du monde. Ce n’est donc pas sur son aviation que la Corée du Nord semble compter, mais plutôt sur ses moyens traditionnels (ses chars et son artillerie), de même que sur sa flotte de sous-marins et bien sûr l’arme balistique. 

Cela étant, malgré l’immense supériorité numérique de l’armée américaine, venir à bout de la Corée du Nord me paraîtrait tenir de la gageure, du fait du nombre d’effectifs de l’APC connaissant bien la topographie de leur pays et de leur apparente détermination. Un facteur essentiel, si cela devait arriver, serait la position qu’adopterait la Chine dans un tel cas de figure.  
 

9. L’explosive question nucléaire 

Les négociations concernant l’explosive question nucléaire entre la Corée du Nord et les pays d’influence occidentale (Japon, Corée du Sud, États-Unis), mais aussi avec la Russie et la Chine ont, depuis le début du millénaire, toujours eu lieu. Pourtant, depuis lors, aucune solution n’a pu être efficacement appliquée pour réfréner l’escalade nord-coréenne.

Le premier essai nucléaire a eu lieu en octobre 2006, avant qu’un second de plus grande ampleur advienne en 2009. En 2012, c’est un lancement de missile de très longue portée qui est testé avec succès, ceci avant l’éclatement de la crise des missiles en 2013, puis un hypothétique essai réussi de bombe à hydrogène le 6 janvier 2016.

Les Nord-Coreens s’estiment fiers des récents succès du programme nucléaire. Le 18 mars 2017, par ailleurs, a été résolu le problème de moteurs de la fusée balistique; puis le 4 juillet (jour de l’indépendance américaine) son lancement effectif. Et enfin le 28 juillet 2017 la même chose, mais de nuit, ce que les Coréens appellent « victoire miraculeuse ».

Le 5 mars 2013, pour y revenir, la crise des missiles qui ressemble, à s’y méprendre, à l’un des événements majeurs des années de Guerre Froide à Cuba en 1962, laisse entrevoir l’attachement que les Nord-Coréens portent à leur attirail nucléaire ; ils brandissent avec facilité la menace d’une bombe A préventive dirigée contre les États-Unis. Les pourparlers et protocoles de paix s’en retrouvent sérieusement mis à mal. La présence d’un arsenal de 10 à 16 bombes atomiques sur le territoire nord-coréen étant naturellement inquiétant. 
 

10. Économie planifiée 

Le système est totalement idéologique. Lorsque j’ai eu l’occasion de parler avec des professeurs d’économie, cela tenait presque du dogme.

Cela étant, il s’agit d’un système entièrement différent du nôtre, avec beaucoup d’inconvénients (c’est pourquoi il a disparu de presque tous les autres pays du monde), mais quand même avec quelques avantages. Les salaires nominaux sont bas, à partir de 50 à 100 CHF par mois pour les ouvriers, mais pratiquement tout ce qui est nécessaire à la vie courante est assuré par l’Etat, du moins en théorie. D’où ces disparités importantes mentionnées au § 2 de ce rapport. Le Président Kim Il Jun a aboli tout système de taxe. Le logement est fourni par l’Etat, mais en fonction des mérites de chacun. Les meilleurs appartements vont aux membres du Parti, à ceux de l’Armée, mais aussi aux intellectuels, chercheurs et enseignants. Les denrées alimentaires de base sont aussi distribuées par l’Etat, en principe afin que chacun en ait sa part. L’éducation est entièrement gratuite, à la fois initiale et tout au long de la carrière. Le système de santé, lui aussi gratuit, est d’assez bonne qualité, notamment en matière de médecine préventive (rencontre avec les doctoresses Choe Suk Hyon, Di Okan et Hoy Sul Gun du ministère de la santé).

Ce qui me dérange personnellement dans ce système, c’est l’importante marge d’arbitraire qu’il sous-entend. Ainsi les faveurs faites aux uns, au détriment des autres, sont souvent présentées comme un cadeau personnel du Grand Leader Kim Jong Un. 

Une bonne illustration en est la maison des ouvrières de l’usine textile de Pyongyang. Elle ressemble plutôt à un hôtel de trois à quatre étoiles. C’est Kim Jong Un qui a voulu leur en faire personnellement cadeau. D’ailleurs il y a un grand tableau de lui à l’entrée. Il paraît qu’il aurait lui-même dessiné le plan de cet édifice, ce qui est en effet plausible. Cafétéria, une sorte de rêve à la Blanche-Neige. Toutes les chaises sont en bois blanc; mais l’une d’entre elles est de surcroît revêtue de tissu blanc. C’est celle sur laquelle s’est un jour assis le Leader Suprême. Il y a une cuisine attenante avec tout le matériel nécessaire pour que les ouvrières puissent se faire plaisir, le dimanche notamment. Chambres pas très grandes, mais lumineuses et proprettes. A noter aussi une salle de jeux. Deux femmes y jouent au ping-pong. Dans ce même bâtiment se trouve aussi une piscine intérieure, avec un bassin olympique. 

Tout cela, c’est beaucoup. Ce serait même probablement trop dans le monde occidental, car les coûts liés à de telles activités accessoires risqueraient de rendre l’affaire non-concurrentielle. Mais en même temps, il faut bien reconnaître que c’est une réalisation surprenante et que c’est très motivant pour celles qui travaillent dans une telle usine. Et il ne faut pas oublier toutes et tous les autres, les laissés pour compte. C’est simplement un système complètement différent.

Historiquement, l’économie coréenne était basée sur l’agriculture, rythmée par le cycle des saisons et sujette de temps en temps à des calamités naturelles: sécheresse ou inondation. C’est un pays aux trois-quarts montagneux, à l’équilibre parfois précaire, d’autant que la plupart des terres cultivables se trouve au Sud du 38ème parallèle. 

D’ailleurs actuellement sévit une très sérieuse sécheresse. Cela constitue une priorité pour les Autorités. Lorsque j’ai rencontré M. Ri Suyong, Vice-Président du Comité Central du Parti, il venait de rentrer d’une tournée dans les zones affectées. 

Puis avec l’ère soviétique vint l’économie planifiée, avec sa ritournelle de plans quinquennaux. Priorité a été clairement donnée à l’industrie d’extraction, à celle d’armement et à des aspects complémentaires au sein de l’industrie lourde. 

Depuis 2002, Kim Jong Il a entrepris un vaste programme de modernisation de l’économie. C’est ainsi que l’industrie légère a pris son essor. Celle-ci se divise entre industrie centrale et locale, avec pour mission pour cette dernière de produire des biens pour les besoins immédiats de la vie des gens. C’est ainsi que dans chacune des neuf provinces et des trois villes indépendantes du pays, il y a au moins une usine de textile, de plastique, de papier, et quelques fabriques de denrées alimentaires, en fonction des matières premières et des besoins spécifiques de cette région. 

Finalement, le Président actuel Kim Jong Un s’est prononcé pour un renforcement de cette tendance et il a accordé encore davantage d’importance au développement de l’économie. On en sent déjà les résultats.  
 

11. Sanctions

La communauté internationale a imposé à la RPDC de sévères sanctions. Celles-ci ont probablement atteint leur objectif principal. Car cela aura permis de limiter l’accès de la RPDC aux technologies avancées en matière d’armement et de nucléaire. En ce sens, l’objectif semble atteint. 

Cela aura probablement aussi eu pour effet collatéral de retarder les développements prévus dans le domaine de la sécurité alimentaire de certaines régions reculées. De même, il semble que rares sont les hôpitaux où se trouvent des machines à rayons X ou des scanners en bon état. Quant à la recherche de titres à la Bibliothèque de l’Université, j’ai essayé de la consulter; mais beaucoup d’articles sont anciens. 

Certes, il semble bien que certaines interdictions puissent être contournées, notamment en passant par la Chine (importation de pétrole, par exemple). D’ailleurs, j’ai pu voir pas mal de produits chinois et russes jusque dans des petits magasins de quartier. J’y ai même trouvé des biscuits Kambly! 

Cela étant, les sanctions ont aussi deux effets différents à ceux escomptés: 

  • le développement d’une véritable économie locale, suffisant en tout cas aux besoins d’une partie substantielle de la population; et
  • le développement de subterfuges de la part de la RPDC pour financer ses besoins en dehors du recours au système bancaire auquel elle n’a pas accès. 
     

12. Économie autarcique

A cause des sanctions, la Corée du Nord a développé une industrie propre. Et elle s’est étonnamment bien débrouillée. Car il était très important pour elle de conserver sa souveraineté et son indépendance. Et de ne pas être obligée de venir à la table de négociations en position de faiblesse, ayant été prise à la gorge par les sanctions. C’est ainsi qu’a été lancé le principe de la « confiance en soi ». Celui-ci est actuellement présent un peu partout. L’idée est de s’en sortir par ses propres moyens, quelles que soient les circonstances. L’essentiel de la population s’est mise au travail (c’est à cela qu’à pu servir l’approche « juche »). Et comme les Coréens – ceux du Nord comme ceux du Sud – des gens travailleurs, organisés et méticuleux, le résultat s’est trouvé au bout du chemin, quand bien même les chances initiales étaient faibles. Durant les premières années, la croissance du PNB, qui frôlait parfois les 10%, dépassait même celle de la Corée du Sud. Cela jusqu’à l’effondrement de l’Union Soviétique, où la tendance s’est inversée. Mais malgré tout, la RPDC a poursuivi sur la même voie. 

Les ingénieurs locaux se sont débrouillés pour fabriquer par leurs propres moyens les équipements militaires dont ils avaient besoin: assemblage local de MIG soviétiques, fabrication par leurs propres moyens de pièces d’artillerie, de chars d’assaut et de sous-marins. 

L’industrie lourde a aussi vu le développement d’applications civiles locales, telles que trains, camions, voitures, bateaux, industrie chimique, plastique, etc… La principale source d’énergie étant des centrales à charbon, assez disponible aux quatre coins du pays. 

Si dans un premier temps, la priorité a été mise sur les conglomérats militaires d’armement, ainsi que sur l’industrie lourde, peu à peu s’y sont adjoints celles de l’industrie légère, produisant notamment des biens de consommation. 

Et il faut dire qu’ils ont assez bien réussi. J’ai eu l’occasion de visiter trois fabriques et un centre artisanal rural. 

J’ai d’abord vu une fabrique-modèle de fabrication de lait de soya pour enfants. Elle produit 60 tonnes de lait par jour, de façon entièrement automatisée (équipement 100% nord-coréen). La fabrication est surveillée en salle de contrôle par un grand panneau mural électronique. Il n’y a personne là où sont installées les machines, pour éviter tout risque de contamination. En revanche, j’estime inutile l’automation des boilles de lait fermées (comme s’il s’agissait de jeter de la poudre aux yeux des visiteurs).

J’ai ensuite visité une filature de ver-à-soie et de textiles. C’est l’Etat qui fournit les vers à soie. En cinq heures, chaque ouvrière parvient à produire quelque 200 grammes de soie brute. Suit le bobinage et le chantier des métiers à tisser. Tout cela jusqu’à la couture et broderie automatique des produits terminés. Dans la halle des couvertures, c’est une machine qui procède aux broderies, l’opératrice étant derrière un ordinateur pour en vérifier le processus. On me montre aussi un atelier où l’on fabrique des serviettes hygiéniques pour femmes.

Troisième site visité: la fabrique de chaussures Nabonzin. Celle-ci a une certaine dimension symbolique: du temps de l’occupation japonaise, les Coréens marchaient pieds nus. Ces chaussures ne sont pas en cuir, mais en vinyle. On fabrique les semelles à base de caoutchouc et de plastique dans une grande presse. Puis une ouvrière parfait cette semelle en coupant les bouts qui dépassent. Dans une autre salle, des ouvrières s’occupent du dessus du soulier en plaçant celui-ci sur des moules pour lui donner sa forme. Des fours à infrarouge y contribuent. C’est un travail à la fois semi-automatique et semi-manuel. Cette usine produit des chaussures normales pour hommes et pour femmes, mais aussi à talons, avec des formes fantaisistes pour enfants, ou encore des chaussures de sport. Ils ont même un centre de design où ils conçoivent de nouveaux modèles. Cinq personnes y travaillent derrière des ordinateurs.

J’ai finalement visité un centre rural de transformation de produits agricole, à deux heures de Pyongyang. Et là aussi, les gens se débrouillent très bien avec les moyens du bord. Ils sont résilients et ingénieux. Rien de glamour, mais beaucoup de bon sens et le goût du travail bien fait. 

Tout cela engendre un assortiment abondant et varié de produits locaux. Contrairement à certaines idées reçues, de larges segments de la population en Corée du Nord – et pas seulement à Pyongyang – ont un assez grand choix au niveau des produits de consommation.

C’est pourquoi les Nord-Coréens sont assez fiers de leurs réalisations et ne sont pas pressés d’abandonner ce qui leur a réussi, en ouvrant toutefois progressivement leur économie, au cas où un jour les sanctions devaient en venir à s’assouplir.   
 

13. Subterfuges pour contourner les sanctions 

Ceci est l’autre face de la monnaie, moins louable. Je me suis demandé comment les Nord-Coréens parvenaient à financer leurs dépenses somptuaires en dépit des sanctions. Comment ils faisaient non seulement pour réaliser tout ce qui se passe à Pyongyang, mais aussi à moderniser leurs usines (car c’est bien le cas), construire la station de ski de Masikryyong (avec un hôtel parfaitement digne de cette catégorie et un téléphérique autrichien menant sur les hauteurs), et plus impressionnant encore, construire en moins de deux ans à partir de rien une station balnéaire de 18.000 lits. Comment y parvenir étant donné que les sanctions interdisent l’accès au système bancaire international? 

La vérité, c’est que je ne connais pas la réponse. Des éléments d’explications m’ont été soufflés discrètement par certaines personnes proches du dossier. Je n’ai bien évidemment rien pu en vérifier par moi-même. Mais les pistes indiquées, en plus des moyens conventionnels disponibles, sont les suivantes: 

Le pays exporterait discrètement des armes, en quantités assez substantielles, à certains autres pays, africains notamment. 

Il obtiendrait aussi des gains appréciables en se livrant à un trafic de drogue: soit en fonctionnant comme plaque tournante, soit en exportant de l’opium produit localement.  

La Corée du Nord est un des meilleurs producteurs au monde de faux dollars. Techniquement, il est très difficile de ne pas se tromper. Cela lui procure aussi cet oxygène si nécessaire à son développement. 

La RPDC a aussi un know how très particulier en matière d’érection de statues de grande taille, comme semblent l’apprécier les potentats de certains autres pays où se cultive le culte de la personnalité.

Finalement, comme la RPDC avait une dette envers la Russie, il a été convenu que la première enverrait des travailleurs très peu payés, pour éteindre la dette en question. Il est possible que cette pratique se soit étendue et que le pays mette à prix une main d’œuvre bon marché. 

Je ne suis pas en mesure d’affirmer cela de façon certaine, car je n’en ai pas la preuve. Mais il y a probablement une part de réalité dans ces hypothèses. 
 

14. Marteau, faucille et pinceau

Il existe une différence notable entre le Parti Communiste de l’Union Soviétique et le positionnement du Parti du Peuple Coréen: au marteau et à la faucille, le régime nord-coréen a adjoint le pinceau, symbole de la connaissance. 

Les professeurs, chercheurs et autres intellectuels sont très respectés. Dans l’idéologie initiale du marxisme, seuls les ouvriers et les paysans avaient le droit de tenir la dragée haute; mais en Russie aussi, les intellectuels se sont mis à jouer un rôle-clé. Et la RPDC l’a concrétisé. 

Le système nord-coréen fonctionne, un peu comme en Chine, sur une base de méritocratie. Ce n’est pas vrai que tout-le-monde est égal. En fonction des mérites des uns et des autres (notamment le savoir), ils vivent dans des quartiers réservés, obtiennent de plus beaux appartements que la moyenne et d’autres avantages.

Comme dans tous les autres pays communistes, l’éducation de base, secondaire et universitaire est gratuite. Mais en plus de ça, la Corée du Nord est remarquablement active en matière de formation continue, tant durant les heures de travail qu’en dehors de celles-ci. 

Un peu partout, je suis tombé sur des centres de formation continue à distance, et ceci à tous les niveaux. On me les a fait visiter dans chaque usine que je visite. Cela va au-delà de la simple opération de propagande. Il y a en Corée du Nord, comme dans d’autres pays asiatiques, une volonté délibérée d’accélérer l‘évolution vers une économie du savoir. 

Lorsque je visite l’usine textile par exemple, une bonne cinquantaine d’ouvrières sont en salle de cours, et non sur les lignes de production. Elles sont installées derrière des ordinateurs et suivent divers cours de perfectionnement. Elles peuvent dans une bonne mesure choisir ce qu’elles veulent apprendre. Et cela est bien réel. Le régime nord-coréen encourage l’apprentissage des connaissances et la formation continue. En ce sens, il a adopté une approche assez semblable à celle de la Suisse en matière de formation duale, à la fois pratique et théorique. Et bien sûr, plus elles étudieront, plus ces ouvrières auront des chances d’avancement. 

Cela peut aussi se faire, bien entendu, en dehors des heures de travail et l’accès au savoir est encouragé auprès de tous, en tous cas de tous ceux qui ont dépassé le seuil de pauvreté absolue. Un bon exemple en est le Palais des Études du Peuple, à savoir la bibliothèque nationale. C’est un gigantesque bâtiment de 22.000 m2, construit en 1982 sur l’impulsion de Kim Jong Il. Il se situe symboliquement au cœur même de la ville. Son rôle déclaré était de mettre la connaissance à la portée de chacun. Les dix étages de ce temple de la connaissance recèlent 30 millions de livres. Il y a 22 salles de lectures où chacun peut venir et s’instruire. Il est possible de faire des recherches dans toutes sortes de domaines, en entrant des mots-clés. 60% des ouvrages sont coréens, y compris certains très anciens. Mais l’effort principal est mis sur les sciences exactes. En plus des salles de lectures, ce Palais des Études du Peuple contient aussi 14 salles de conférences, où on peut venir s’instruire sur des sujets divers. C’est une sorte d’université populaire. J’y ai assisté à un cours collectif d’anglais, bruyant, mais apparemment assez efficace. Chaque élève est installé face à un écran d’ordinateur. Et le professeur passe parmi les rangs, non pour donner un cours classique, mais pour accompagner chaque élève dans sa propre progression.   
 

15. Gens normaux 

J’ai eu l’occasion d’aller me promener seul à la tombée du soir dans un quartier d’habitation populaire où vivent des gens qui sont probablement de la classe moyenne de Pyongyang. Voici mes impressions: « Je sors pour essayer de me mêler à la population et sentir à quoi ressemble la vie quotidienne. Je prends la grande avenue qui se trouve en face de la gare, puis passant sous une arche, je bifurque à droite, ensuite à gauche et ainsi de suite. Je suis entouré de très hauts immeubles, un  peu comme à New York, beaucoup d’entre eux sont en construction. Les gens vont et viennent, la plupart rentrent chez eux après le travail. Tout ce qu’il y a de plus normal. Des amies bavardent entre elles, des mamans se promènent avec des pousse-pousses. Je vois des gens détendus, pas des gens brimés ou anxieux. Bien sûr, ils sont surpris de voir un étranger, et de surcroît seul, dans ces parages. Le soir est en train de tomber. Certains peuvent se demander ce que je fais là et ils se méfient: un agent à la solde d’une puissance étrangère? J’imagine que j’ai été repéré et probablement suivi. N’empêche qu’on me laisse faire. J’entre dans un café. C’est bruyant et enfumé. Des hommes très nombreux s’y sont entassés pour boire de la bière. Ils n’en sont pas à leur première. Ils rigolent entre eux. J’aimerais aussi en commander une; mais on me fait signe que ce serait mieux que je m’en aille. J’obtempère bien entendu. Je continue ma promenade. Il y a le long de la rue des petits stands où on vend un peu de tout. Cela me fait penser à Varsovie aux temps de la fin du communisme. De même les magasins. Situés au rez-de-chaussée des immeubles, il s’agit le plus souvent d’une enfilade de pièces longeant la rue, offrant en même temps des produits alimentaires, des vêtements, des objets pour le ménage. Ce mélange des genres est caractéristique de ce qu’était le petit commerce dans les pays du bloc de l’Est. Là aussi, bien que les gens soient un peu surpris, ils restent gentils. Leur habillement est assez varié, avec ici une pointe de coquetterie. Les femmes ont souvent avec elles des ombrelles aux reflets dorés, à cause de la canicule. Les hommes portent parfois une sorte de complet à même le corps, sans chemise, ni cravate. Rien de la grisaille uniforme du monde communiste traditionnel. C’est ça la vie ordinaire; et je me sens bien, sans contrainte, parmi ces gens-là. Je termine mon escapade en allant manger dans un petit restaurant installé en sous-sol à l’arrière d’un magasin. Un écran plat diffuse des images de propagande du parti. On me laisse manger tranquillement. Puis je rentre par des rues assez sombres jusqu’à mon hôtel. Il est dix heures du soir. Des gens vont et viennent encore dans la rue. Il n’y a aucun problème de sécurité, j’ai beaucoup apprécié cette petite promenade, qui me laisse une impression de relative « normalité » des gens d’ici ».

Je suis aussi allé, accompagné cette fois, dans le marché pour Coréens d’un des quartiers périphériques de la ville. Il s’agit une grande halle grouillant de monde, de 150 mètres de long, avec une allée centrale et trois travées de chaque côté (soit sept au total). Au centre se trouvent les vêtements; sur l’aile gauche les articles de ménage et de quincaillerie; à droite les produits alimentaires. Le lieu est une copie conforme des marchés de l’ancienne Union Soviétique. En ceci, la Corée du Nord ressemble davantage à la Russie qu’à la Chine. Ce qui frappe le plus, c’est le nombre de vendeuses. Elles sont littéralement assises en rang d’oignon, au coude à coude. Il y en a trois à quatre fois trop par rapport aux réels besoins du commerce. A quoi servent-elles? C’est probablement une manière de les « caser », puisque elles font partie de la force de travail du pays. Beaucoup d’entre elles ont entre deux âges. Elles portent des blouses de travail dont la couleur varie selon la travée qui leur est attribuée. Quant à l’assortiment des produits disponibles, il est très large. Et cet endroit n’est absolument pas une vitrine pout montrer quoi que ce soit aux Occidentaux à des fins de propagande. Car c’est un marché populaire exclusivement pour Coréens. J’y fais quelques menus achats, dont un bracelet anti-moustiques. Les prix sont en général bas, mais leur niveau peut beaucoup varier entre certains articles. On m’explique qu’en fonction des mérites accumulés, certains travailleurs peuvent obtenir des rabais conséquents de 50% ou même davantage sur certains produits. On passe aussi par les étals alimentaires: viande rouge, poulets, poissons, tortues, légumes, fruits, graines – tout cela fait bonne impression. A noter encore que ce marché, contrairement à ce qui se passe un peu partout ailleurs, n’ouvre pas ses portes tôt le matin, mais à partir de quatre heures de l’après-midi.

Même impression d’un assortiment abondant et varié de produits locaux dans un supermarché pour Coréens. Contrairement à certaines idées reçues, de larges segments de la population en Corée du Nord – et pas seulement à Pyongyang – ont un assez grand choix au niveau des produits de consommation. Je constate par ailleurs la présence d’assez nombreux produits importés, essentiellement en provenance de Russie et de Chine, ceci en dépit de l’embargo. 

Que ce soit dans les supermarchés, au marché populaire public ou dans les épiceries de quartier, partout l’approvisionnement était assez abondant et varié. Quant aux prix, ils n’étaient pas excessifs (en équivalent CHF) : 

Algues séchées: 0.40 CHF

Paquet de cigarettes locales: 0.70 CHF

Paquet de gaufrettes locales: 1.20 CHF 

Poisson en boîte de conserve: 1.50 CHF

Viande bœuf en boîte de conserve: 2.10 CHF

Quant aux produits non-alimentaires, j’ai là encore été surpris par la variété des assortiments. Je me suis retrouvé face à une grande variété de choix au rayon confection, tant dames que messieurs. Un hangbok traditionnel coûte environ 75 US$. Et un complet nord-coréen pour hommes à peu près autant. Une montre Tissot (évidemment pas d’origine) se vend à 80 US$. Le rayon jouets offre une profusion de ceux-ci, tous d’origine nationale. De même pour les appareils électroménagers, les postes de télévisions à écran plat, les portables (mais quand même moins nombreux qu’ailleurs en Asie), les objets usuels de la vie quotidienne, etc. 

J’ai même fait une expérience un peu à mes dépens. Il m’a fallu prendre des antibiotiques. Et bien, je peux certifier que les produits pharmaceutiques nord-coréens m’ont remis d’aplomb! Ce n’est donc pas vrai que la Corée du Nord manque de tout. Ça a certainement été le cas dans le passé; et c’est probablement encore le cas pour une grande partie de la population rurale. Mais les choses ont évolué. Une classe moyenne urbaine est en train d’émerger. Celle-ci, qui ne se limite pas aux dirigeants du Parti, est en croissance. Et elle est loin de manquer de tout.  
 

16. Évolution perceptible 

Le passé de la Corée du Nord est à l’évidence empreint des pires stigmates du marxisme-léninisme. Et probablement une bonne partie de cela est-il encore de mise aujourd’hui. Mais on peut percevoir une réelle évolution au cours du passé récent. Ce que j’ai pu observer (et photographier) diffère de ce que disent ceux qui s’y sont rendus en Corée du Nord il y a quelques années. J’ai pu constater l’émergence d’une classe moyenne vivant assez bien – et pas seulement à Pyongyang -, en contraste avec la misère dans laquelle se trouve encore probablement une majorité de la population. L’économie locale se développe plutôt bien en dépit des sanctions. Et des investissements importants se réalisent (routes, complexe touristique de Wonsan-Kalma). La RPDC avance résolument en direction d’une économie du savoir. Certes, le système est encore dictatorial, avec un fort culte de la personnalité et les Droits de l’Homme y sont plus que rudimentaires. L’effort militaire reste prioritaire, mais le développement économique remonte en importance dans l’ordre des priorités.

Le rôle de Kim Jong Un peut s’avérer essentiel dans la conduite de ce processus évolutif. En tant qu’héritier du système, il lui sera difficile d’accepter une ouverture trop rapide. Car celle-ci peut s’avérer dévastatrice pour le pouvoir en place. Il y a certes la question de l’arme nucléaire, de la réduction progressive des dépenses militaires et du processus de paix avec la Corée du Sud, qui passe par un accord simultané avec les Américains. Mais il y a aussi celle de l’évolution interne de la société nord-coréenne, de son ouverture. Et là, le rôle du Président s’avérera essentiel. 

Il existe une petite chance – à mon avis encore ténue – que le processus de paix, de dénucléarisation et de réunification de la Corée puisse avoir lieu. Mais pour y parvenir, il faut qu’existe un minimum de confiance réciproque. Il est nécessaire, d’un côté comme de l’autre, d’aller au delà des préjugés naturels de chacun. Tant que la République Populaire de Corée se repliera sur une idéologie d’Occident agresseur, de préférence à une économie autarcique et planifiée, et d’absence de transparence quant aux Droits de l’Homme, ce ne sera guère possible. De même, si le monde occidental s’arque-boute sur une vision de « pire pays de monde » ou de « prison à ciel ouvert » sans vouloir accepter qu’il puisse y avoir aussi des aspects positifs dans ce qui se passe en Corée du Nord, ce ne sera guère mieux. Chacun des deux camps devrait éviter une approche par trop idéologique et essayer de comprendre ce que pense et ressent l’autre camp. Comme l’ont fait jadis les Sud-Africains. Il faut absolument essayer, d’un côté comme de l’autre, d’analyser la situation dans toute sa complexité et aller au-delà des liches et des idées préconçues. Cela constitue une condition sine que non du succès d’une éventuelle sortie de crise. C’est d’ailleurs ce que j’ai dit à Monsieur Ri Suyong, Vice-Président du Comité Central du Parti Communiste et Président de la Commission des Affaires Étrangères de l’Assemblée Populaire Suprême.  

Une telle transition serait essentielle pour la paix du monde: à la fois pour la transformation d’un régime potentiellement dangereux et qui n’est semble-t-il pas à bout de souffle, pour le processus de dénucléarisation régionale, la réconciliation entre Corée du Nord et du Sud, et les implications respectives de la Chine et des USA. La Suisse, jouissant de la confiance des principaux acteurs en présence, pourrait jouer un rôle utile pour accompagner ce processus. D’autres pays (notamment de l’ex Bloc Soviétique, en qui la RPDC a encore confiance) pourrait l’accompagner pour une telle mission, pour autant bien sûr que l’ensemble des protagonistes le souhaite. 

Un éventuel accord devrait porter, à mon sens, simultanément sur les volets suivants: 

  • Démantèlement par la Corée du Nord de ses sites de recherche, de production et de lancement de missiles balistiques, ceci pouvant être ouvertement vérifié par des experts internationaux. 
  • Renonciation par la Corée du Nord à ses activités occultes liées à des trafics illégaux (ceci pour contourner les sanctions).
  • Mise sur pied d’institutions de type fédéral en vue d’une Corée réunifiée, maintenant les caractéristiques propres à chaque système, dans une certaine mesure et pour une période de transition.
  • Allègement, puis levée des sanctions.  

Claude Béglé

 

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La 5G ne doit pas menacer la neutralité du net

Postulat déposé le 21.06.19 au Conseil national

Il est demandé au Conseil fédéral d'étudier la compatibilité de la 5G avec la neutralité du net. La Technologie 5G se différencie de la 4G, notamment par le "network slicing": cette possibilité de découper les réseaux en tranches permettra aux opérateurs de télécommunications d'adapter l'accès au réseau en fonction des utilisateurs. Mais cette segmentant de l'offre enfreint le principe d'un accès identique pour tous à tout le réseau.

L'Union européenne est en train d'étudier la question: faut-il adapter la loi sur la neutralité du net à la 5G ou adapter la 5G à la neutralité du net ? En effet, ce futur standard de communication n'est pas encore finalisé, et les nouveaux modèles d'affaires liés à la 5G sont encore flous.
La Suisse doit y réfléchir.

Retrouvez l'intégralité de cette intervention sur le site du parlement

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Elections fédérales 2019 – mes engagements

 

1.         Pour une politique familiale et un revenu net disponible permettant de vivre dignement

a.          Une et plurielle, la famille moderne doit être soutenue

b.          La force du revenu net disponible, reconnaissance de l’effort

c.          Une solidarité intergénérationnelle

d.          Meilleure conciliation entre vie professionnelle et familiale

 

2.         Pour une santé et une sécurité sociale assurées

e.          Une maîtrise des coûts de la santé sans réduire la qualité des soins

f.           Une sécurité sociale équitable

g.          Un système pondéré luttant contre les abus

 

3.         Pour une politique climatique et une économie durable

h.          Des réformes écoresponsables à tous niveaux : Etat, entreprises, citoyens

i.            Une économie plus « verte » qui profite aux entreprises suisses

j.            Nos chercheurs et nos entreprises à l’écoute « multilatérale » de la planète

k.          L’impulsion durable à travers la prise de conscience populaire

 

4.         Pour une société innovante

l.            Mise en valeur de l’audace et de l’esprit pionnier

m.        Reconnaissance de l’effort de ceux qui prennent leur vie en main

n.          La formation, gage de meilleurs revenus

o.          Le pari de la numérisation

p.          Des soutiens novateurs : à l’agriculture et aux services publics

 

5.         Pour une Suisse ouverte, connectée avec l’Europe et le monde

q.          Une Suisse tirant le meilleur parti de sa situation en Europe

r.           Une Suisse sûre et accueillante

s.          Une Suisse impartiale, conciliatrice et multilatérale

 

Et maintenant, plus en détail:
 

1.          Pour une politique familiale et un revenu net disponible permettant de vivre dignement

a.          Une et plurielle, la famille moderne doit être soutenue

Ce n’est pas tant la forme de la famille qui compte – autant les accepter toutes, dans une conception moderne et sans discrimination. Ce qui compte, c’est de développer une politique familiale plus ambitieuse et mieux coordonnée. Il s’agit de permettre à chaque couple d’aller jusqu’au bout de son projet familial et qu’il ne doive pas renoncer à avoir des enfants en raison de pressions financières ou professionnelles excessives. La décision de fonder une famille ne devrait pas non plus engendrer une pénalisation fiscale, comme c’est encore le cas. Il s’agira donc de:

Renforcer le pouvoir d’achat des jeunes familles, par des mesures ciblées : défiscalisation des allocations familiales, soutien à la santé, primes d’assurance gratuites pour les enfants, aides aux études.

·       Introduire la gratuité des primes d’assurance-maladie pour les enfants.

·       Aider les familles en difficulté, notamment monoparentales.

·       Combattre la pédocriminalité & le cyber-harcèlement des enfants (grooming).
 

b.         La force du revenu net disponible, reconnaissance de l’effort

 Dans une société où l’activité et l’effort personnel doivent l’emporter sur l’assistanat et le mérite sur les fraudes abusives, il apparaît incohérent que le revenu médian n’en revienne pas suffisant pour une existence digne. Les classes moyennes doivent pouvoir bénéficier de politiques structurelles intelligentes. Il s’agit donc de:

·       Revoir à la baisse la fiscalité des personnes physiques pour alléger la charge de ceux qui créent de la valeur de par leurs efforts.

·       Favoriser l’accès à la propriété du logement et supprimer l’impôt sur la valeur locative.

·       Soutenir la classe moyenne active au travers de mesures récompensant l’activité plutôt que l’assistanat.

·       Favoriser en particulier les jeunes couples avec enfants, ainsi que ceux qui sont juste au-dessus du seuil de s’assumer eux-mêmes.
 

c.          Une solidarité intergénérationnelle

Dans une société où l’activité doit l’emporter sur l’assistanat excessif et le mérite sur les fraudes abusives, il apparaît incohérent que le revenu net disponible ne suffise trop souvent pas pour mener une existence digne ; les classes moyennes doivent pouvoir bénéficier de politiques structurelles intelligentes. Il convient donc de:

·       Consolider les liens entre générations et combattre l’isolement social.

·       Étendre les solutions urbanistiques telles que quartiers et immeubles mixtes.

·       Soutenir la possibilité pour les seniors de rester actifs.

·       Valoriser le travail des proches aidants et tiers aidants.
 

d.         Meilleure conciliation entre vie professionnelle et familiale

Le récent rassemblement des femmes l’a bien démontré: si l’on veut parvenir à une meilleure égalité entre hommes et femmes face à l’emploi, il va falloir introduire plus de souplesse dans le système:

·       Flexibiliser les conditions de travail à tout niveau hiérarchique, pour pères et mères (temps partiel à 80%, télétravail, horaires flexibles).

·       Faciliter la réinsertion de parents au foyer dans la vie professionnelle (validation des acquis de l’expérience (VAE), formation en économie familiale et maternité, etc.).

·       Favoriser un congé parental plus long, étendu aux pères car cela renforce l’activité professionnelle des mères.

·       Assurer la mise à disposition de crèches et gardes de jour de qualité, en nombre suffisant et à un coût abordable.
 

2.          Pour une santé et une sécurité sociale assurées

e.          Une maîtrise des coûts de la santé sans réduire la qualité des soins

Ce sujet est brûlant, car la hausse des primes d’assurance-maladie croît en moyenne quatre fois plus vite que le coût de la vie. Ceci est la résultante d’un système complexe et interactif entre amélioration constante de la qualité des soins et de l’espérance de vie, coût des médicaments, du fonctionnement des hôpitaux et cliniques, des médecins et du personnel médical, ainsi que de notre système d’assurances maladie de base et complémentaire. Notre système de santé est un des meilleurs du monde, mais il est trop cher. Le PDC a préparé une initiative à ce sujet. Que faire?

·       Comprendre comment optimiser le fonctionnement du système de santé (25% plus cher qu’en Suède ou Autriche), pour mieux maîtriser les coûts de la santé sans          toucher à la qualité des soins (initiative PDC).

·       Créer un organisme fédéral qui enregistrerait toutes les factures médicales pour établir une base de données permettant une analyse exhaustive des coûts.

·       Combattre la surconsommation médicale (examens redondants ou superflus, détection des incompatibilités médicamenteuses, « smart medicine »).

·       Revaloriser le rôle du médecin de famille pour un pilotage centralisé du parcours médical du patient.2

·       Renforcer l’ambulatoire et autres solutions (hôtel des patients) par rapport à l’hospitalier.2

·       Mieux planifier les besoins en matière hospitalière et inciter les hôpitaux à se répartir la tâche en se spécialisant.

·       Abaisser le prix des médicaments et encourager les médicaments génériques.

·       Faire baisser les primes d’assurance, en faisant pression sur les frais d’administration et les réserves des caisses d’assurance maladie.

·       Renforcer une bonne hygiène de vie dès l’école : prévention, activité physique, vigilance alimentaire.

·       Promouvoir la prévention.
 

f.         Une sécurité sociale équitable

Notre système de prévoyance à trois piliers est bien pensé, mais complexe. Il nécessite d’être mis à jour et surtout son financement assuré. Or, divers blocages politiques ont entravé cette évolution jusqu’il y a peu. Par ailleurs, l’âge de la retraite, bien qu’inadapté à l’allongement de l’espérance de vie moyenne, ne tient pas assez compte des conditions de travail variables entre ouvriers, employés, entrepreneurs et dirigeants d’entreprise. Ces conditions ont probablement aussi un lien  avec le taux d’absentéisme et le coût de la santé. Ainsi une flexibilisation de l’âge de la retraite, ainsi que l’ajustement gradué du taux d’activité, notamment pour les personnes plus fragiles, permettrait de mieux répondre aux besoins de la population. Ci-dessous quelques points de ce dossier compliqué:

·       Assurer le financement pérenne de l’AVS (priorité élevée)

·       Puis lancer des réformes structurelles compte tenu d’une meilleure espérance de vie. 

·       Revaloriser les rentes AVS.

·       Flexibiliser l’âge de la retraite, permettre une baisse progressive du taux d’activité.

·       Garantir le niveau des retraites du 1er et du 2ème pilier même en cas de mauvaise performance boursière.

·       Permettre aux personnes travaillant à temps partiel de se constituer plus facilement un 2ème pilier (en abaissant le montant de coordination).

·       Annuler les disparités entre classes d’âges pour les cotisations au 2ème pilier.
 

g.          Un système pondéré luttant contre les abus

Le système des assurances sociales est un des meilleurs moyens pour éviter une trop lourde fracture sociale et assurer la cohésion du pays. Mais il risque de se transformer en usine à gaz et surtout de faire l’objet d’abus. D’où la nécessité d’une grande vigilance. D’où le besoin de:

·       Revisiter l’AI et les prestations complémentaires en fonction des besoins.

·       Réprimer sévèrement les fraudes et lutter contre les abus.
 

3.    Pour une politique climatique et une économie durable

h.         Des réformes écoresponsables à tous niveaux : Etat, entreprises, citoyens

Combler l’abandon des énergies fossiles par le renouvelable fait partie des plus grands défis de notre génération ; au niveau international – dans lequel la Suisse doit s’inscrire – il est nécessaire d’accompagner le geste citoyen et celui des entreprises vers un changement complet de paradigme.

Je me suis beaucoup engagé dans ce domaine (rédaction de la stratégie Cleantech du Canton de Genève, projet Swiss NeWater, membre du Beirat Cleantech de la Confédération, coopération avec la Clinton Global Initiative et avec la fondation d’Arnold Schwarzenegger. 

Certains en doutent encore, mais je suis convaincu qu’il y a urgence de s’engager pour le climat et de respecter les Accords de Paris. Il faut entre autres:

·       Œuvrer pour accélérer la mise en application du programme de la Stratégie Energétique 2050 de manière cohérente pour la Suisse : combler l’abandon de l’énergie nucléaire par des incitations efficaces à investir dans les énergies renouvelables indigènes, garantir l’approvisionnement en électricité, rentabiliser l’investissement dans l’énergie hydroélectrique, solaire ou éolienne.

·       Développer des infrastructures adéquates : transports publics performants, distribution d’électricité, transformation des déchets, traitement de l’eau…

·       Récompenser le comportement écoresponsable. Accompagner le geste citoyen et celui des entreprises : smart grid, isolement des bâtiments, formes non-polluantes  de mobilité, tri et traitement des déchets (« Grüne Punkt »), chasse au gaspillage, etc.

·       Introduire des politiques transversales favorables à l’environnement par le développement de technologies propres, utilisant nos ressources de manière efficace et durable, garantissant un niveau d’emploi élevé en Suisse et par conséquent, renforçant notre place économique.

·       Combiner de façon harmonieuse le développement des réseaux ferroviaires et routiers.

·       Poursuivre l’effort de la LAT, en songeant à ses effets à long terme. Trouver de meilleures compensations pour les communes et les particuliers impactés.2
 

i.         Une économie plus « verte » qui profite aux entreprises suisses

·       Etendre les incitations à faire des économies de CO2 à toutes les entreprises, sur base volontaire : système des « conventions d’objectifs ».2

·       Poursuivre vers une extension de l’économie circulaire (retravailler les déchets pour les transformer en matières premières).

·       Soutenir le transfert de technologies innovantes traitant d’environnement et faire de la Suisse un pôle d’excellence en la matière (Cleantech Valley).

·       Diminuer progressivement l’ensemble de la consommation des matières premières non-renouvelables et limiter la fabrication de produits dont la durée de vie est volontairement courte.
 

j.          Nos chercheurs et nos entreprises à l’écoute « multilatérale » de la planète

·       Mettre en œuvre et respecter les engagements pris lors de la signature de l’Accord de Paris, notamment en matière de réduction de gaz à effets de serre par des mesures concrètes telle que l’instauration d’une taxe sur les billets d’avion

·       Appuyer davantage nos EPF, Universités et HES à s’engager dans la recherche de solutions durables permettant d’offrir une réponse scientifique aux défis environnementaux d’aujourd’hui (Cleantech).

·       S’appuyer sur les avancées de la technologie pour développer une vraie diplomatie scientifique, recherche de solution globale par la technologie.2

·       Agir de concert avec la communauté internationale (crédits-carbone par exemple).

·       Rationalisé les zones industrielles et commerciales pour une moindre utilisation des surfaces agricoles (densification), une meilleure insertion dans l’organisation régionales (rationalisation des transports), une autonomie énergétique.2

 

k.         L’impulsion durable à travers la prise de conscience populaire

·       Promouvoir une journée du climat pour une prise de conscience populaire des de l’impact de nos gestes quotidiens.3

·       Changer les évidences pour protéger l’environnement efficacement ; mettre en place des campagnes de communication ciblées.
 

4.   Société innovante

l.          Mise en valeur de l’audace et de l’esprit pionnier

Dans un monde où tout va de plus en plus vite, il faut savoir faire confiance aux audacieux, ceux qui innovent, à ces esprits pionniers qui consacrent une large partie de leur existence à la recherche de meilleures technologies. Il faudrait favoriser ce système 4.0 où le startups et les entreprises ne sont pas étouffées par de trop fétides contraintes. Faire confiance aux grands audacieux, ceux qui innovent, à ces esprits pionniers qui consacrent une large partie de leur existence à la recherche de meilleures technologies.

·       Développer un esprit pionnier qui encourage les idées audacieuses, l’acceptation de l’échec comme source d’apprentissage, un financement moins frileux.

·       Favoriser l’axe : recherche fondamentale et appliquée, transfert de technologie, lancement de nouveaux produits. En faire des porte-drapeaux.

·       Créer des conditions favorables au développement des start-ups : défiscalisation des années de recherche, allégement administratif, accès facilité à des sources de financement adéquates.

·       Favoriser la croissance des start-ups et leur accès aux marchés internationaux.2

 

m.         Reconnaissance de l’effort de ceux qui prennent leur vie en mai

·       Assurer une économie forte et une société à la pointe de l’innovation sociale.

·       Mettre à disposition des Petites et Moyennes Entreprises (PME) les outils et le financement nécessaires pour s’adapter à un monde qui change. Les soutenir de façon ciblée.

·       Appuyer davantage les jeunes qui se lancent par des bourses et du coaching.

·       Inciter les entreprises à valoriser leurs travailleurs seniors et à transmettre leur savoir.

·       Considérer les programmes de réinsertion et de réintégration comme des investissements.
 

n.          La formation, gage de meilleurs revenus

 La reconnaissance envers les classes moyennes passe aussi par des mesures au profit des jeunes étudiants et des jeunes entrepreneurs qui se lancent différemment dans la vie active. Assurer leur insertion dans le monde du travail est une nécessité. D’autant plus, que de l’autre versant, il faille s’assurer que leurs parents ne se retrouvent pas piégés par un système qui viserait à rajeunir sans cesse le personnel. La formation de cet ensemble d’individus, de tous âges, doit être continue et incessamment utile à leur propre reconversion.

·       Investir dans la formation et garantir à nos enfants des fondements solides pour leur avenir et celui du pays. Leur permettre ainsi d’être compétitifs sur un marché globalisé.

·       Maintenir un système d’éducation de qualité permettant à chacun de saisir sa chance.

·       Préserver le rôle fondamental de socialisation de l’école, dont la pratique des langues, la sensibilisation culturelle, l’intégration citoyenne.

·       Faire en sorte que chaque jeune soit orienté au mieux selon ses capacités, ses aspirations et les besoins de l’économie.

·       Renforcer le soutien aux Hautes Ecoles pour qu’elles restent compétitives sur le plan international.

·       Accompagner la capacité d’adaptation des travailleurs tout au long de leur vie en renforçant la formation continue2 et la validation des acquis.

·       Créer un 4ème pilier, c’est-à-dire un compte formation individuel, alimenté par les dépenses actuelles en formation continue, avec lequel chacun pourrait se recycler tout au long de sa vie, y compris ceux dépourvus de capacité d’épargne.

 

o.         Le pari de la numérisation

·       Intégrer l’éducation digitale dans les cursus scolaires obligatoires (dès le cycle primaire) et des cours de mise à niveau pour les moins jeunes.

·       Développer des pôles de compétences en matière numérique : blockchain, intelligence artificielle, drones et cybersécurité notamment.2

·       Soutenir la robotisation, l’internet des objets, l’industrie 4.0, afin de maintenir un haut niveau de performance économique tout en renforçant la formation continue. 

·       Mettre en place une réflexion nationale sur les évolutions entre humains et numérique, anticiper les effets négatifs de la digitalisation et concevoir par anticipation des lois protégeant les travailleurs et la sphère privée (éviter un système intrusif).

·       Créer des centres de données garantissant le secret numérique : la Suisse banque numérique.2

·       Créer en Suisse un centre mondial de régulation d’internet et d’éthique numérique à Genève ; permettre que la Suisse contribue à façonner les standards internationaux.2

 

p.          Des soutiens novateurs : à l’agriculture et aux services publics

·       Appuyer une agriculture bio de haute qualité qui minimise les apports chimiques.

·       Valoriser la production agricole suisse par un marketing professionnel.

·       Soutenir les administrations publiques et privées dans leur transition vers le numérique.

·       Exploiter les nouvelles technologies propices à l’allègement administratif.

·       Accorder des moyens financiers participatifs pour élargir les moyens de transport publics innovants et non polluants.

·       Poursuivre l’installation d’un réseau de télécom en fibres optiques, tout en veillant à la protection des populations sensibles aux ondes (5G).

·       Imaginer une société où l’agriculture côtoierait les start-ups dans un équilibre harmonieux et où des formes innovantes de redistribution permettraient de réduire certaines inégalités.

 

5.    Pour une Suisse ouverte, connectée avec l’Europe et le monde

q.           Une Suisse tirant le meilleur parti de sa situation en Europe

Aussi bien dans le domaine des échanges commerciaux que celui de la formation, de la recherche, de l’innovation et tant d’autres, il est nécessaire de maintenir des relations de bons voisinage avec les pays qui nous entourent. Il en va de notre avenir et de notre prospérité. Le maintien de la voie bilatérale avec l’Union Européenne nous est essentielle, les acquis des accords de Dublin et Schengen sont précieux. Ce serait jouer avec le feu que de risquer la pérennité de ces accords. Je suis favorable à:

·       Soutenir l’Accord Institutionnel (et la voie bilatérale), à condition de s’entendre sur : a) mesures d’accompagnement/protection des salaires ; b) aides d’Etat/fédéralisme ; c) accord sur le droit des citoyens. Ceci pour préserver un bon équilibre entre ouverture et souveraineté.

·       Assurer les acquis de l’accord Schengen/Dublin (échange d’informations policières, gestion des demandes d’asile).

·       Accepter de payer le milliard de cohésion (pays d’Europe moins développés), mais essayer de renégocier et re-obtenir l’équivalence boursière et maintenir le programme de recherche 2021-2027 (Horizon Europe).

 

r.         Une Suisse sûre et accueillante

Dans un monde de plus en plus interconnecté, il n’est pas possible de nous isoler des grandes puissances de notre continent et du monde. La multilatéralité de la place suisse doit être maintenue. Il nous faut:

·       Assurer notre capacité de défense et notre crédibilité militaire en investissant dans un nouvel avion de combat et les équipements qui vont avec.

·       Renforcer notre cybersécurité, ainsi que la fiabilité et la sécurité des réseaux de télécommunication, afin que nos infrastructures critiques soient protégées.2

·       Se doter des moyens nécessaires pour mieux se prémunir contre le terrorisme, la radicalisation, l’espionnage, les trafiquants de drogues et les réseaux du crime organisé. Renforcer la coopération internationale, les effectifs des services de renseignement et, selon les besoins, ceux des corps de police.2

·       Poursuivre une politique migratoire qui tienne compte des intérêts économiques de notre pays et de ses valeurs ; renforcer la coopération internationale en matière de migration.

·       Introduire un système des permis de travail pour des chercheurs et experts technologiques.2

 

s.          Une Suisse impartiale, conciliatrice et multilatérale

Malgré sa petite taille, la Suisse peut jouer un rôle très important en tant qu’intermédiaire neutre et impartial pour aider à résoudre certaines situations internationales délicates. Notamment elle devrait:

·       Poursuivre sur la voie d’une Suisse ouverte au monde : pluralisme, libre échange, respect de l’Etat de droit.

·       Maintenir un taux minimal de 0.5% de l’aide publique au développement, ceci en lien avec le développement économique, la politique climatique et migratoire.

·       Participer à la réforme du système des Nations-Unies, pour le rendre plus efficace. Soutenir l’approche intégrée des ODD (objectifs de développement durable).

·       Continuer d’appuyer la Banque mondiale et les banques régionales pour la mise en place de solutions globales.

·       Protéger la réputation de neutralité, d’honnêteté et d’impartialité de notre pays. Et sur cette base, déployer son rôle de bons offices prodigués par la Suisse à travers le monde : notamment de médiateur entre belligérants.2

·       Renforcer l’engagement humanitaire de la Suisse et du CICR, en recourant davantage à la participation du secteur privé afin d’accélérer la relance des infrastructures vitales (eau, électricité) et la reconstruction des pays ravagés par la guerre.

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Le mythe de l’armailli seul maître sur son alpage ne tient plus

Avoir tout pouvoir de décision à l’intérieur de nos frontières séduit les adeptes de la démocratie directe que nous sommes. C’est ce que demande l’initiative dite « pour l’autodétermination » sur laquelle nous allons voter le 25 novembre prochain. Mais il est tout aussi important de se donner la capacité d’agir de façon réaliste et responsable.

Avec les progrès technologiques fulgurants de ces dernières années, nous sommes aujourd’hui tous liés par des faisceaux de droits et d’obligations réciproques. Notre prospérité et l’équilibre du système dans lequel nous vivons en dépendent. Il est révolu le temps où un armailli sur son pâturage pouvait se sentir libre et seul maître à bord avec son troupeau. Il nous en reste une nostalgie légitime, mais qui relève davantage du romantisme que de la réalité contemporaine.

Nous roulons dans des voitures, des trains, des bus fabriqués ailleurs. Nous vivons du fruit de nos exportations de haute technologie. Nous communiquons via des réseaux sociaux basés en Californie. Nos photos sont stockées sur des serveurs en Norvège ou au Canada. Nous achetons des T-shirts fabriqués en Chine ou au Maroc. Nous écoutons de la musique brésilienne, nous regardons des youtuber américains et les chaînes françaises. Nous voyageons de plus en plus loin pour de moins en moins cher. Tous ces échanges de mots, de sons, d’images, d’expériences, de marchandises sont régis par des milliers de règles dont nous n’avons même pas idée et qui font que notre société est ce qu’elle est.

Toutes ces règles contribuent à notre prospérité dont nous sommes bien contents de pouvoir bénéficier. Certaines règles ont un caractère politique. La plupart sont simplement techniques. Elles garantissent la qualité et de sécurité, comme les règles du transport aérien, les normes ISO, elles simplifient les démarches administratives, comme l’homologation unique des marchandises pour l’Union européenne. En amenant de l’ordre et de l’efficacité, elles apportent plus de bénéfices que de contraintes.

Pensons à bien inclure tous les bénéfices, ce que les Britanniques ont oublié de faire lorsqu’ils ont soutenu le Brexit. Nos relations bilatérales avec l’Union européenne sont le fruit d’un travail d’horloger qui a consisté à tisser minutieusement depuis vingt ans les fils d’un équilibre complexe qui a permis aux deux parties en présence d’en tirer avantage. Ce serait bien dommage, sous prétexte de préserver la pureté d’un concept, de jeter le bébé avec l’eau du bain.

Dans un monde interconnecté, notre prospérité vient du partage avec les autres. Se replier sur son pâturage est d’une autre époque. Il nous faut aller avec l’histoire et rejeter cette initiative qui nous coupera de l’évolution planétaire.

Claude Béglé, Conseiller national

Paru dans 24 Heures, le 5 Novembre 2018

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Deal de rue : une lutte coordonnée et ciblée s’impose

La question du «deal de rue» est complexe car elle relève à la fois du local, du global, du préventif et du répressif. D’un côté, il y a ceux qui se plaignent à juste titre de la tranquillité perdue de leur quartier. Les parents et commerçants veulent éloigner les trafiquants des abords des écoles, des zones de chalandise. Ils réclament plus de présence policière pour éloigner les intrus qui opèrent comme s’il s’agissait d’un négoce légitime avec pignon sur rue.

D’un autre côté, il y a les clients de ces dealers qui nécessitent des traitements différenciés. Auprès des consommateurs potentiels, il faut renforcer la prévention (au plan familial, associatif, de quartier) tout en appliquant la loi telle qu’elle est. Ceci pour empêcher la propagation de la consommation, le recrutement de nouveaux clients. En revanche, la méthode coercitive ne fonctionne pas avec des drogués avérés. Leur état de dépendance l’emporte sur la peur du gendarme. Et lorsqu’un retour en arrière n’est plus possible, il ne reste plus qu’à soulager ces toxicomanes par un réel accompagnement, tant physique que moral.

Face à cette complexité, seules des réponses mesurées et nuancées, au cas par cas, sont efficaces. Et elles ne peuvent émaner que d’une collaboration entre autorités locales (police municipale, cantonale, services sociaux).

A l’inverse, la dimension internationale du trafic de drogue doit se traiter à l’échelon supérieur. Car on est face à des réseaux criminels très puissants. Les cerveaux se trouvent à l’étranger (Amérique latine, Asie, Afrique), avec de solides relais en Europe de l’Est, en Italie, aux Pays-Bas. Les filières se développent par cooptation. Celle sévissant chez nous – du chef « Hapiness » au petit dealer de la rue Maupas – est composée de Nigérians, plus précisément des Ibos, une ethnie réputée pour son dynamisme. Et faire ce constat, factuel, n’a rien de raciste.

Ces réseaux connaissent parfaitement les failles de notre système qu’ils exploitent intelligemment. Leur organisation est quasi militaire, avec des contrôles rigoureux et des rétorsions sévères pour les récalcitrants. Ce qui la rend d’autant plus difficile à traquer. C’est pourquoi, s’attaquer aux causes du mal et non pas seulement à ses effets, nécessite une réponse fédérale. Voire plus : une collaboration internationale, pour effectuer le lent et discret travail d’investigation qui permettra de confondre les vrais coupables.

Une chose est sûre : ce n’est pas en appelant à la seule répression qu’on fera disparaître la menace que présente le deal de drogue pour notre société. Il faut une combinaison ciblée d’outils : prévention, accompagnement, application de la loi et lutte déterminée contre les grands réseaux de trafiquants.

Claude Béglé, Conseiller national, et Sandra Pernet, Conseillère communale.

Paru dans le 24 Heures, le 28 juin 2018

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Le numérique au service de l’humain et non l’inverse

La révolution numérique sera aussi profonde que l’a été la révolution industrielle. Blockchain, internet des objets, cyberdéfense, gouvernance internationale de l’internet sont autant de thèmes qui doivent être empoignés activement par la Suisse. Car dans ce domaine en constante mutation, qui ne tient pas le rythme recule. Au quotidien, nous percevons tous clairement que le numérique est aussi en train de bouleverser nos vies. Il pose des questions inédites. Qu’il faut essayer d’anticiper. Et auxquelles nous devons apporter des réponses réfléchies pour garder la parfaite maîtrise de cette nouvelle technologie qui doit rester un outil à notre service.

Il convient ainsi de s’interroger sur la place du numérique. Où positionner le curseur entre facilitation technologique et réduction des contacts humains? Quand les rapports humains sont-ils indispensables? Une réunion par Skype donne-t-elle la même énergie à l’équipe qu’une réunion physique? Un cours en ligne (MOOC) stimule-t-il autant l’étudiant qu’un cours en classe?

L’ubérisation doit être pensée. Comment canaliser le risque d’une captation abusive de l’attention et du temps "libre" des individus? Le remplacement, dans les magasins, de la personne qui encaisse par l’auto-scannage est-il psychiquement neutre pour le client? Est-il acceptable que des standards téléphoniques robotisés imposent d’écouter des informations parfois longues et inutiles?

Tous les acteurs doivent profiter de l’avènement du numérique. Comment garantir que les bénéfices du numérique (gain de temps, économie de personnel) améliorent aussi le bien-être des gens qui participent, bon gré, mal gré, à cette numérisation?

Nous devons aussi veiller à préserver notre génie humain. Les jeunes qui passent trop de temps sur les apps de leur téléphone ne risquent-ils pas de voir leur quotient intellectuel moins progresser que les autres (le risque est semble-t-il réel)? Et en termes de quotient intellectuel, peut-on remplacer les rencontres réelles par des échanges virtuels sur les réseaux sociaux sans risque pour son équilibre personnel?

Enfin n’oublions pas les offliners, ceux qui ne parviennent pas ou ne souhaitent pas franchir le pas du numérique. Comment concevoir la numérisation des services tout en les traitant équitablement?

Ces défis ne doivent pas nous faire renoncer au progrès. Mais le numérique ne doit pas non plus s’opposer à la culture. Il nous faut évaluer correctement ses apports, ses effets pervers et nos besoins pour mettre le numérique à sa juste place. C’est pourquoi j’ai demandé au Conseil fédéral de lancer une étude sur le sujet.

Claude Béglé, Conseiller national.

Paru dans 24 Heures le 13 janvier 2018

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Mobiliser le secteur privé pour démultiplier l’aide aux pays en crise

L’aide humanitaire est à revoir. C’est urgent. En effet, les crises humanitaires s’aggravent, leur impact international est amplifié avec internet tandis que l’ONU veut rapidement améliorer nos conditions de vie sur terre avec son ambitieux agenda 2030. Il nous faut gagner en efficacité. D’une part, nous devons « Repenser la philanthropie » comme le soulignait très justement ce journal (LT 12/10/17), c’est-à-dire professionnaliser l’utilisation des dons pour augmenter leur impact. D’autre part, nous devons mobiliser le secteur privé avec de nouveaux outils. L’effet de levier pourrait être considérable.

Aujourd’hui, la pression est plus grande que jamais. Les crises humanitaires se multiplient et durent de plus en plus longtemps (protracted crisis). La proximité inédite due à la gloibailsation rend les écarts entre régions prospères et déshéritées encore plus intenables. Car comme le notait récemment Peter Maurer, président du CICR, le téléphone portable est devenu aussi vital pour les réfugiés que l’eau et la nourriture. Enfin, il y a deux ans, 193 pays ont approuvé les 17 objectifs de développement durables de l’ONU qui visent à éradiquer la pauvreté, la faim, l’esclavage, et à promouvoir l’éducation, la santé, la justice… d’ici à 2030.

Les besoins financiers sont donc considérables. Le secteur privé, qui a toujours joué un rôle marginal dans l’aide aux pays pauvres, peut devenir un allié majeur.

Une première piste serait d’inciter des entreprises privées à investir, même dans des contextes à priori précaires, en réduisant certains risques politiques menaçant leur activité. Concrètement, l’aide publique au développement pourrait financer la prime d’un contrat d’assurance MIGA (l’agence multilatérale de garantie des investissements – filiale de la Banque mondiale), qui couvrirait des investissements privés contre des risques tels que nationalisation, inconvertibilité de la monnaie, rupture de contrat, perturbations dues à une guerre civile. Cela pourrait générer des projets de remise en état de réseaux d’eau potable en Syrie, de construction de logements, mais aussi d’hôpitaux, d’infrastructures électriques ou de communication. L’argent public permettrait de déclencher des projets-clé d’un montant bien supérieur à la prime d’assurance. L’effet de levier serait conséquent.

Une deuxième piste est celle de “l’innovative/blended finance”. Il s’agirait de créer un point de convergence entre l’action humanitaire et la logique des investisseurs afin de susciter des prêts. Trois exemples : 1) Allocation des fonds par tranches de rentabilité : l’accès aux tranches à forte rentabilité par le secteur privé est combiné à la prise en charge des tranches les moins rentables (voire à rentabilité négative) par l’Etat. 2) Principe du « pay-for-success » : la capacité future du programme à recueillir des fonds dépend de son efficacité (advance market commitments, development impact bonds, social impact incentives, vouchers). Se pose alors la question de la manière de mesurer cette « performance » : un projet actuel recense le nombre d’invalides équipés d’une prothèse. 3) Garantie ou assurance offerte par l’Etat qui limite le risque du projet et libère l’investissement.

Une troisième piste consiste à développer les "humanitarian impact bonds", comme vient de le faire le CICR pour la première fois : des personnes privées placent leur argent dans des obligations à impact social. Ces obligations s’adressent à un public de convaincus car elles sont complexes et peuvent générer jusqu’à 40% de perte si le projet échoue. D’où les montants modestes récoltés à ce jour. Mais ces obligations ont le mérite d’avoir défriché une nouvelle voie.

Ces pistes sont prometteuses, mais de nombreuses questions restent toutefois à préciser. Comment évaluer le risque du projet ? Quel est le business model pour une infrastructure d’abord mise à disposition de réfugiés et qui retourne ensuite à une gestion privée classique (par ex : qui paie le loxer pour les réfugiés? Quel est le montant du loyer ?). Quels types de projets privés pourraient à la fois répondre à l’urgence et aider le développement à long terme ? Comment mesurer l’impact social d’un investissement ? Comment éviter la critique de faire du business sur le dos des victimes ?

On le voit, cette coopération public/privé ouvre des perspectives radicalement nouvelles, résumées dans une motion que le Conseil fédéral vient d’accepter. Les réactions déjà recueillies me font penser que cela va dans le sens de l’Histoire.

Claude Béglé, Conseiller national

Paru dans “Le Temps”, le 10 novembre 2017

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Merci ! Après deux ans au Conseil national…

… Je voudrais chaleureusement remercier les Vaudoises et Vaudois qui m'ont soutenu. J'ai essayé d'honorer la confiance accordée par un travail consciencieux et, j'espère, utile.

Sur la septentaine d'interventions parlementaires que j’ai déposées, treize ont été approuvées par le Conseil fédéral et deux d’entre elles ont même été définitivement adoptées par le Parlement. Je suis monté une vingtaine de fois à la tribune du Conseil national en tant que rapporteur, tantôt pour défendre le point de vue de la Commission ou celui du PDC, ou encore le mien.

En tant que membre de la commission de politique étrangère, je me suis fortement engagé sur les problématiques internationales : bons offices pour la promotion de la paix, coopération internationale, action humanitaire, accords sur le climat. Je me suis penché sur l'épineuse question migratoire depuis les pays d'origine jusque chez nous en Suisse. Question qui affecte aussi la politique européenne de la Suisse : je suis un partisan convaincu des accords bilatéraux.

Afin d’approfondir ma réflexion, j'ai été en immersion plusieurs jours au Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) et à la Direction du développement et de la coopération (DDC). J'ai participé à des réunions de la Banque mondiale et du FMI à Washington, de l'ONU à New York et de l'OCDE à Paris. Et j’ai effectué des voyages d’étude parlementaires sur le terrain (autofinancés) : Érythrée, Turquie, Colombie, Corée, Niger, Inde, Népal. J’ai été en Arménie et en Géorgie  en tant qu’observateur des élections dans le cadre de l’OSCE. Et j’ai pu accompagner certains de nos Conseillers fédéraux en Israël, en Iran, en Arabie, en Indonésie et à Singapour.

La digitalisation est mon autre grand cheval de bataille : évolution d'internet, cybersécurité, blockchain, Internet des objets… Tout cela va révolutionner nos vies. Comment s'assurer que l’essor du numérique soit au service de l'humain et non l’inverse ? J'ai développé une vingtaine d'interventions parlementaires à ce sujet.

Ma sensibilité m’a aussi porté à me mobiliser pour nos valeurs humanistes, la situation des seniors, la flexibilisation de l'âge de la retraite, la formation professionnelle, le coût de la santé.

J'ai beaucoup de plaisir à exécuter le mandat qui m'a été confié. J’y mets toute mon énergie (une quinzaine de pays visités cette année), toute mon expérience et ma conscience. De tout cœur, merci de m'avoir ainsi permis de servir notre pays.

Claude Béglé, Conseiller national
 

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Une réforme plus juste qu’il n’y paraît

Claude Béglé invite à accepter Prévoyance vieillesse 2020, le 24 septembre prochain.

Comment assurer une retraite décente à tous ceux qui ont trimé toute leur vie avec un revenu modeste, à toutes celles qui ont travaillé à temps partiel pour s’occuper de leurs enfants? Le défi financier est colossal. Et notre système est malheureusement imparfait. Après 18 ans de statu quo, Prévoyance 2020, réforme sur laquelle nous allons voter le 24 septembre, apporte des améliorations qu’il faut savoir saisir. La question de la retraite est sans doute une des plus épineuses pour notre désir de justice sociale. Environ un tiers des rentiers, essentiellement des femmes seules et des personnes ayant travaillé comme indépendant, n’ont que le 1er pilier (AVS), dont la rente moyenne est de 1855 francs (OFAS).

La dernière réforme des retraites date de 1995. Depuis, les besoins ont augmenté: loyers et espérance de vie sont à la hausse. Alors que les ressources baissent: les placements financiers, dans lesquels l’argent des retraites est investi, ne rapportent presque plus rien. Non seulement la situation des retraités modestes n’a pas été améliorée, mais le déficit menace désormais tout le système.

Aujourd’hui, il faut sauver les meubles. Sept ans se sont écoulés depuis l’échec de la dernière réforme. Sept ans de négociations avec tous les partis ont été nécessaires pour aboutir à la proposition actuelle. Et en cas de rejet, il faudra sans doute sept ans pour élaborer un autre projet.

Prévoyance 2020 est un compromis qui a le mérite d’exister. D’un côté, tout le monde participe à l’effort: âge de la retraite unifié à 65 ans (les femmes), cotisations AVS augmentées (tous les salariés et patrons), TVA augmentée (tous les consommateurs), taux de conversion baissé (tous les détenteurs d’un 2e pilier).

De l’autre côté, tout le monde reçoit quelque chose, et notamment les retraités les plus désavantagés. Prévoyance 2020 garantit à tous le financement de l’AVS jusqu’en 2039, ce qui n’est pas rien. De plus, la réforme accorde à chaque retraité vivant seul 70 francs par mois. Cela peut permettre de payer une facture inattendue, d’aller au restaurant, de s’offrir un cours de gym. Les couples, qui ne touchent actuellement qu’une rente AVS et demie pour deux, recevront une compensation de 226 francs par mois.

Enfin, Prévoyance 2020 introduit une flexibilité fort appréciable. Entre 62 ans et 70 ans, chacun pourra moduler son temps de travail et continuer à cotiser pour renforcer sa retraite, ce qui est nouveau. Actuellement, un tiers des hommes travaille au-delà de 65 ans. La préretraite, quant à elle, pourra se faire dès 62 ans à de meilleures conditions.

Prévoyance 2020 est une réforme à facettes multiples. Elle sauve le système tout en essayant d’être le plus juste possible et en répondant aux évolutions de notre société. Soutenons-la!

Claude Béglé, Conseiler national

Paru dans 24 Heures, le 1er Septembre 2017

 

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Numérique: la Suisse a besoin d’une gouvernance 4.0

Faut-il un jeune conseiller fédéral pour comprendre les enjeux du numérique? Le conseiller national Claude Béglé plaide pour une nouvelle gouvernance dans laquelle la jeunesse n’est pas un facteur décisif.

Des voix plaident pour qu’une personnalité jeune prenne les commandes de la transition numérique au Conseil fédéral d’après l’article paru ce week-end «Un ministre jeune et au profil numérique» (LT 24 juin 2017). J’entends bien la force que peut avoir l’argument de la jeunesse pour orchestrer cette révolution 4.0 qui se caractérise par un rythme effréné de l’innovation technologique. Mais penser que le seul critère de l’âge permettra de relever ce défi colossal est une illusion. La révolution en cours requiert avant tout un mode de gouvernance adapté.

L’avènement du numérique est une révolution technologique inédite par l’ampleur de ses impacts sur l’ensemble de la société et de l’économie. Tous les secteurs de notre pays sont touchés: dossier médical numérisé, trains sans conducteurs, géolocalisation des clients, enseignement par Internet (MOOC), films à la demande, agriculture numérique, domotique, etc.

La Suisse y répond avec efficacité: la Stratégie «Suisse numérique» fixe, depuis avril 2016, les lignes directrices globales pour le pays, les mesures que l’administration fédérale met en œuvre et les collaborations nécessaires; le «Dialogue Suisse numérique» met en réseau les forces créatrices et novatrices incontournables pour la mise en œuvre de cette stratégie (économie, société civile, scientifiques, acteurs politiques); le Groupe interdépartemental Suisse numérique CI-SI assure la collaboration interdisciplinaire indispensable au sein de l’administration fédérale. Enfin, une Conférence nationale sur la société de l’information est en préparation pour la fin de l’année.

Le défi des GAFA

Mais le défi est réellement colossal car il s’agit d’évoluer aussi vite que les fameux GAFA – Google, Amazon, Facebook, Apple – et la plupart des start-up du numérique. Et dans cette folle course, qui ne tient pas le rythme recule. La Suisse est au 2e rang mondial en termes de compétitivité, mais seulement au 8e pour la numérisation de son économie (IMD 2017).

Face à une telle disruption technologique et sociétale, une gouvernance de disruption s’impose.

C’est pourquoi, au lieu de miser uniquement sur la jeunesse du chef, il vaudrait mieux reconsidérer le mode de gouvernance. L’approche classique, structurée, hiérarchique et top-down, qui a largement fait ses preuves jusqu’à maintenant, n’est pas celle des acteurs du numérique. Les déclinaisons numériques sont tellement variées, les acteurs concernés tellement nombreux, l’innovation tellement rapide, qu’un nouveau secrétaire d’Etat ou un super-Conseiller fédéral aurait de la peine à faire mieux que ce qui est à l’œuvre actuellement.

Face à une telle disruption technologique et sociétale, une gouvernance de disruption s’impose. S’il n’est bien sûr pas question de transformer l’administration fédérale en start-up, il serait bon de s’inspirer de pratiques qui augmentent l’agilité et accélèrent la circulation des idées.

L’organisation agile

Concrètement, l’organisation agile, qui existe depuis dix ans dans des sociétés comme Spotify, Salesforce, ou l’agence digitale suisse Liip, repose sur trois volets.

1. L’autonomie: création de petites équipes, sans chef, mais avec un coordinateur, dont la dynamique repose sur la grande autonomie (et la responsabilité) laissée à chacun, couplée avec un travail collaboratif très transparent.

2. L’itération: découpage des tâches en projets courts (5 à 10 jours) avec feedback au même rythme pour un travail par itération pouvant rapidement intégrer une nouveauté ou un réajustement des objectifs.

3. La circulation accélérée de l’information: constitution de groupes d’échange informels sur l’intranet pour poster ses bonnes idées, ses questions, ses problèmes… et obtenir des réponses rapidement.

La motion que j’ai déposée en juin dernier va dans ce sens. J’y demande la mise en place d’un pilotage agile capable de faire évoluer la transition numérique suisse vers une gouvernance encore plus réactive. Demain en effet, tout pays de pointe devra être à l’aise avec le numérique. Les comportements humains doivent s’adapter. Les modes de gouvernance aussi.

Claude Béglé, Conseiller national 

Paru dans Le Temps, le 28 Juin 2017

 

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Les bons offices pour éviter les crises humanitaires

A l’heure où l’équilibre du monde est de plus en plus menacé par des conflits inextricables jetant des millions de gens sur les routes, nous devons désormais penser comme le ferait un bon médecin: mieux vaut prévenir que devoir guérir. C’est la mission des bons offices. Il nous faut tenter de désamorcer les crises avant qu’elles ne produisent malheurs et destructions. Voilà ce pour quoi je m’investis.

Une guerre détruit un pays en quelques mois; il faut trente ans pour le reconstruire. Il est clair qu’un franc investi en amont a beaucoup plus d’impact que les sommes dépensées ensuite. Or, la Suisse a une petite équipe spécialisée dans la prévention des conflits par la médiation. Il s’agit d’un savoir-faire de pointe apprécié comme tel par la communauté international

Ce savoir-faire est d’autant plus précieux que les conflits sont de plus en plus complexes. Les acteurs non étatiques se multiplient et il est extrêmement difficile de parler avec eux, comme on le voit actuellement en Syrie ou au lac Tchad. Et les motivations deviennent très diverses: religieuses, souverainistes, tribales, économiques, géographiques (ressources naturelles…).

Discrète, l’activité des bons offices de la Suisse mérite pourtant toute notre attention car c’est un moyen de médiation très souple, peu coûteux, et parfaitement adapté aux conflits multipolaires actuels. Le caractère officieux de ces démarches permet de tisser des contacts tant avec des gouvernements que des groupements armés dissidents.

C’est grâce aux bons offices que la Suisse a obtenu la signature d’un cessez-le-feu au Soudan, a permis des rencontres dans le cadre de la guerre civile au Sri Lanka, est intervenue dans la crise russo-ukrainienne, a participé aux pourparlers de paix en Colombie. C’est par ce biais qu’elle encourage les discussions sur le dossier nucléaire iranien, qu’elle tente aujourd’hui d’aplanir les tensions dans la région des Grands Lacs.

En tant que membre de la commission de politique extérieure du Conseil national, je soutiens pleinement les bons offices de la Suisse. Mieux, je pense que c’est une véritable démarche d’avenir face à des conflits dont les enjeux prennent une ampleur internationale inédite: il n’y a jamais eu autant de migrants dans le monde qu’aujourd’hui. Le recours aux bons offices est une manière de faire de la prévention, de préserver les équilibres existants, d’éviter le chaos qui brise parfois des siècles de civilisation et des centaines de milliers de destins.

Afin que cette activité soit mieux connue et soutenue, j’ai déposé un postulat, qui a été accepté par le Conseil fédéral, demandant un rapport sur l’état des lieux des bons offices suisses.

Claude Béglé, Conseiller national 

Paru dans 24 Heures, le 22 juin 2017

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Les Vaudois, des centristes qui s’ignorent

La campagne au Conseil d’Etat vaudois ne passionne pas grand monde. Et pour cause, six conseillers d’Etat sortants se représentent, dont deux pour la quatrième fois, et tous ont de bonnes chances d’être réélus. Reste une place à pourvoir avec un suspense limité, si l’on s’en tient à la logique brutale du scrutin majoritaire favorable aux grands partis. La nouvelle candidate de gauche prolongerait les 22 ans de règne socialiste au département de l’enseignement qui se libère. Le dicastère qu’occuperait le candidat UDC reste à définir.

Il est toutefois intéressant de noter que l’équipe sortante se félicite d’une législature de «compromis dynamiques» entre gauche et droite. Une manière de faire proche de la raison d’être du centre. Bien loin des positions excessives vantées par les extrêmes, la démarche centriste se positionne en rempart contre la montée des discours populistes. Elle repose sur une vision humaniste et sur le bon sens, sur la volonté de mener une politique équilibrée et raisonnable. Bref, elle est en quête du «juste milieu» si cher aux Vaudoises et aux Vaudois.

Le centre n’est pas la résultante molle de compromis entre gauche et droite. Au contraire, il veut s’affirmer comme force de proposition créative. Les cinq partis vaudois qui ont groupé leurs forces sous la bannière Alliance du Centre (PDC, Vaud Libre, PBD, PEV et UDF) partagent le même désir d’écoute et de solutions fédératrices. Il ne s’agit pas de réchauffer les vieilles recettes, mais de créer des cadres propices à de nouvelles manières de collaborer, à des solutions inédites et génératrices de prospérité pour tous.

Centre-cohérence-cohésion. Ces mots-clés disent que l’on peut être plus fort en incluant: villes et campagnes, modernité et traditions, liberté et sécurité, jeunesse et expérience, économie et environnement, infrastructures et agriculture, succès économique et solidarité sociale. C’est ainsi que les centristes veulent assurer à la classe moyenne les ingrédients de la réussite, un logement décent, une bonne couverture médicale à un coût acceptable, une solidarité intergénérationnelle accrue, une meilleure conciliation vie familiale/vie privée, une formation solide passant par une réforme de la LEO et un soutien à nos grandes écoles.

Le centre encourage l’innovation et l’entreprenariat pour des paysans, artisans et des PME prospères. Tout cela, dans un esprit d’ouverture et d’intégration, car c’est aussi de ce cosmopolitisme que notre Canton tire ses succès.

Sylvie Villa et Serge Melly, les deux candidats Alliance du Centre au Conseil d’Etat, sont porteurs de cette alternative en germe chez beaucoup d’entre nous, et déjà bien vivante au centre.

Claude Béglé, Conseiller national

Paru dans 24 Heures, le 10 avril 2017

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Tout le contraire d’un cadeau fiscal aux multinationales

Claude Béglé cherche à nous convaincre d'adopter la très disputée RIE III

Les détracteurs de la RIE III racontent un peu n’importe quoi, en entraînant leurs adeptes à travers les méthodes d’application complexes de cette loi. Pour comprendre de quoi il s’agit, revenons à l’essentiel. La communauté internationale, représentée par l’OCDE, nous demande d’abolir les statuts spéciaux dont bénéficiaient certaines multinationales jusqu’à maintenant.

En vertu de ceux-ci, les entreprises concernées se voyaient accorder des taux attractifs pour venir s’installer chez nous, engendrant plein emploi, innovation et prospérité locale. A l’inverse, l’abolition des statuts spéciaux entraîne une augmentation du taux d’imposition de ces sociétés et donc le risque qu’elles délocalisent tout ou partie de leurs activités, notamment les plus profitables.

Quels sont les enjeux? L’ensemble des impôts payés en Suisse par ces mêmes entreprises s’élève à 5,4 milliards de francs par an, soit trois fois plus que le 1,3 milliard de pertes fiscales annoncé par les opposants à la RIE III. Rappelons au passage que cette somme sera compensée par la Confédération aux cantons, le nôtre en particulier. Et celui-ci soutiendra à son tour les communes.

Au niveau vaudois, les entreprises, qu’il s’agit de convaincre de rester chez nous, représentent 25 000 emplois directs et indirects (lesquels génèrent à leur tour des rentrées fiscales pour l’Etat) et 5 milliards de francs de valeur ajoutée. C’est considérable.

Arrêtons d’écouter ces contre-vérités. Cette réforme met les multinationales et les PME à égalité de traitement

Quelles concessions sont faites pour maintenir ce moteur de croissance nécessaire à la bonne santé de notre canton? Toute une série de mesures techniques complémentaires: intérêts notionnels, patent box, déduction supplémentaire «recherche et développement», réserves latentes, impôt sur le capital. Le détail en est complexe et pas tout à fait finalisé, puisqu’il manque encore l’ordonnance fédérale d’application.

Mais une chose est sûre: notre Parlement a eu la sagesse de mettre une limite au montant des déductions cumulées. Elle se situe à 80% de la pratique actuelle. Il est donc impossible que le nouveau régime fiscal soit plus favorable aux multinationales que l’actuel!

Arrêtons d’écouter ces contre-vérités. Cette réforme met les multinationales et les PME à égalité de traitement. C’est donc une bonne chose pour tous. Elle est nécessaire pour maintenir dans notre canton et notre pays une économie compétitive, innovante, créatrice d’emplois et de qualité de vie.

Abandonnons les Cassandre à leurs mauvais présages et donnons-nous les moyens de réussir ensemble.

Claude Béglé, Conseiller national

Paru dans 24 Heures, le 2 février 2017

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Rapport de la Commission de politique étrangère

Rapport de la Commission de politique étrangère sur La convention des Nations Unies sur la transparence dans l’arbitrage, entre investisseurs et Etats, fondé sur des traités.
27 septembre 2016

L’objet sur lequel nous allons voter, la Convention des Nations-Unies sur la transparence dans l'arbitrage entre investisseurs et Etat, ceci sur la base de traités de protection des investissement,  est très juridique. De quoi parlons-nous ? 

A l’heure de la globalisation, investir à l’étranger est devenu chose courante. Parallèlement, le nombre de litiges entre un Etat et un investisseur étranger n’a cessé d’augmenter. Mais dès lors que les deux parties sont de nationalité différente, que l'une est un Etat et l'autre le plus souvent une entité privée, qui peut trancher ? Bien souvent, la solution retenue est celle d’une procédure d’arbitrage.

Fréquemment, ces procédures sont confidentielles : la procédure se déroule à huis clos, les sentences ne sont pas publiées, les compromis restent secrets. Or cette justice rendue de manière confidentielle pose problème. 

Cette confidentialité ne permet pas de garantir la sécurité du droit. Qui peut en effet vérifier si la solution au litige respecte le droit ? 

Il peut aussi arriver que cette confidentialité jette un doute sur la bonne foi des parties. Car personne ne sait pourquoi l’un a perdu et l’autre a eu gain de cause. 

C’est pourquoi la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international a lancé une réflexion sur la transparence de ces arbitrages, laquelle a abouti, fin 2014, à un règlement. 

Il s’agit maintenant d’étendre celui-ci aux accords existants d’investissement bilatéraux. 

Chaque pays est invité à signer, puis à ratifier cet accord. La Suisse l’a pour sa part signé de 27 mars 2015. Le Conseil fédéral, dans son Message du 20 avril 2016, nous propose aujourd’hui d’approuver cette Convention.

1. Cette Convention internationale sur la transparence des arbitrages mérite d’être ratifiée, car elle est importante. Pourquoi ?  

1.1 C’est, tout d’abord, la première fois que la communauté internationale s’accorde sur un nouveau standard, qui de surcroît est un standard-clé. 

Cette Convention s'appuie sur une conviction partagée: l'importance de la transparence. Cela permettra d'inscrire la transparence comme un fil rouge au travers de toutes les négociations à venir et donc des futurs traités internationaux impliquant un arbitrage.

1.2 Les milieux économiques ne s’y sont pas trompés et le soutiennent aussi.

Des représentants de l’économie ont en effet pu assister aux travaux d’élaboration de la Convention et ont pu défendre leur point de vue. Ce standard de transparence augmente la sécurité du droit et donc la solidité de l’activité économique au plan international.

1.3 Pour la Suisse, cette Convention est importante à plusieurs titres. 

Au plan économique, elle touche tous les accords conclus par la Suisse et qui  contiennent un mécanisme d’arbitrage. 

Il s’agit : 

– de 92 accords bilatéraux d’investissement, 

– et d'accords de libre-échange, notamment avec le Japon, Singapour et la Corée du Sud. 

Il touchera par ailleurs automatiquement tous les nouveaux accords, comme celui conclu récemment avec la Géorgie. 

Au plan international, pour la Suisse, c’est un succès diplomatique et d'estime, une manifestation de l'influence de notre diplomatie, puisque notre pays a participé activement à l’élaboration de cette Convention.

Enfin, cette Convention incarne ce souci qu’a la Suisse de promouvoir des valeurs d’avenir. C’est pourquoi il serait bon que notre pays continue à montrer l’exemple et soit parmi les premiers à ratifier cette Convention, déjà signée par 16 pays. 

1.4 Enfin, cette Convention bénéficie clairement du soutien des Etats-Unis.

Qui ont activement participé une élaboration pointue de cet accord en mettant à disposition leur longue expérience dans ce domaine. Ils ont, soit dit en passant, déjà signé la Convention. 
 

 

2. Certes, certains souligneront que cette Convention a nécessité beaucoup de concessions de part et d'autre. Elle est le fruit d'un compromis laborieux, d'où certaines dispositions un peu faibles. Mais globalement, le droit s’en trouve quand même renforcé. 

2.1 Cette convention contient des possibilités de réserve qui peuvent en limiter la portée. 

Ces réserves proviennent d'une concession qui a été faite aux Etats critiques à propos de la transparence d’un arbitrage. Celle-ci peut être restreinte au nom de certains intérêts commerciaux méritant protection. Ce point a été difficile à surmonter. 

En effet, certains pays ont refusé toute forme de transparence en ce qui concerne des sujets tels que le secret défense ou les pratiques en matière de poursuites pénales… La parade a été d’introduire dans la Convention des possibilités de réserve assez importantes. Si le résultat de ce compromis laisse à désirer, il permet au moins à cette Convention d’exister. 
 

 

2.2 Globalement, on peut toutefois affirmer que le doit s’en trouve clairement renforcé

La Convention règle le droit de réserve, mais aussi tout ce qui doit être rendu public dans la procédure d’arbitrage : information au moment de l’ouverture de la procédure arbitrale, publication de documents, observation par des tiers, publicité de l’audience.

2.3 Rappelons enfin qu’un garde-fou existe et qu’il ne sera pas aisé de contourner ces obligations de transparence

On pourrait en effet craindre que certains pays signent la Convention, mais abusent par la suite des possibilités de réserve pour contourner de facto cette obligation de transparence. Heureusement, le Traité international de Vienne sur le droit des contrats étatiques pose une limite claire : un accord ne peut pas contenir de réserves qui iraient jusqu’à remettre en cause la substance et le sens même de l’accord.  
 

3. En approuvant cette nouvelle Convention internationale, on peut aussi se demander dans quelle mesure il ne s’agirait pas là d’une nouvelle ingérence de juges étrangers ? 

3.1 On l’a vu, cette Convention concerne des arbitrages qui sont effectivement des procédures indépendantes du droit habituel du pays en question. 

 Mais ce sont des procédures extrêmement répandues puisqu’il existe actuellement 3000 accords d’investissement bilatéraux dans le monde incluant un mécanisme d’arbitrage. La chose n’est donc pas nouvelle.

3.2 Ce dont nous parlons cette Convention, c’est de la transparence de ces procédures arbitrales : 

Il s’agit de faire en sorte que ces procédures deviennent publiques afin que l’opinion sache pourquoi une entreprise gagne ou perd. 

Cela concerne entre 40 et 50 procédures par an à travers le monde. Au total, une centaine de procédures sont actuellement en cours. 

Ajoutons que 60% des litiges impliquent des pays en développement. 

Ces chiffres montrent bien l’utilité d’une telle Convention internationale sur la transparence. 

3.3 On peut donc réaffirmer que c’est une Convention importante pour la Suisse

Car, plus grand sera le nombre de pays ayant signé cette Convention, plus les entreprises suisses bénéficieront de cette nouvelle sécurité du droit dans leurs activités internationales. 

A l’inverse, la Suisse, en tant que pays développé, accorde ce qu’il faut de protection aux investisseurs étrangers. S’il n’est pas exclu qu’elle se retrouve, un jour, devant un tribunal arbitral, les risques pour elle sont plutôt faibles. 
 

Conclusion : 

Nous vous recommandons de suivre le vote de la Commission de Politique extérieure, qui s’est prononcée par 21 voix pour, aucune contre et deux abstentions en faveur de cette Convention.

Claude Béglé, Conseiller national

 

Mettre en place une gouvernance du numérique

Postulat au Conseil National

Le Conseil fédéral est invité à créer un Conseil Interdisciplinaire Indépendant du Numérique, constitué d'experts, éventuellement bénévoles, issus de la société civile.

Aujourd'hui, le numérique impacte tous les domaines de l'économie et de la société. De même, les évolutions numériques traversent l'ensemble des départements de l'administration fédérale. Une vision transversale et d'ensemble est désormais indispensable pour coordonner les politiques publiques s'adressant à une société devenue participative, dématérialisée et orientée services. C'est pourquoi un instrument de pilotage global, garant de cohérence, s'impose.

La Suisse accuse aujourd'hui un retard considérable en la matière par rapport à de nombreux pays comme la France qui s'est dotée d'un tel instrument. Ce retard n'est pas en termes de technologies ou d'infrastructures, mais en termes d'usages. Il est donc urgent de combler ce retard.

Un Conseil Interdisciplinaire Indépendant du Numérique serait un groupe de compétence, agile et réactif, dont les membres seraient éventuellement bénévoles, afin de ne pas créer une nouvelle structure lourde et coûteuse.

Il serait composé de 15 à 25 experts indépendants provenant d'horizons différents : politique, économique, scientifique etc.

Il aurait pour mission de formuler de manière indépendante et de rendre publics des avis et des recommandations sur toute question relative à l'impact du numérique sur la société et l'économie. À cette fin, il organise des concertations, au niveau national et cantonal, avec les élus, la société civile, le milieu académique et le monde économique. Il peut être consulté par le gouvernement sur tout projet de disposition législative ou réglementaire, d'investissement, de formation, de défense, etc. ayant des enjeux numériques.

Il aurait un rôle stratégique de veille, d'analyse, de synthèse, de prospective.

Il aurait aussi pour tâche d'organiser l'élaboration d'un agenda numérique pour assurer la transition numérique de la Suisse.

Afin d'atteindre cet objectif dans les meilleures conditions, le Conseil devrait s'appuyer sur des plateformes participatives afin de permettre le débat et le recueil d'idées originales.

Claude Béglé

Renforcer nos PME innovantes en les incitant à s'internationaliser

Postulat au Conseil National

Il est demandé au Conseil fédéral de proposer un ensemble de mesures ponctuelles pour aider les PME à mieux faire face à la conjoncture défavorable, en particulier aux effets du franc fort. Ces mesures s'adresseraient en particulier aux PME produisant des biens et services innovants à vocation internationale. Elles pourraient comporter:

1. Un accompagnement pro-actif de nos PME et start-ups pour les aider à prendre pied à l'étranger. Au lieu de se plaindre des effets de la globalisation, aidons nos PME à rester compétitives en facilitant leur internationalisation. N'ayons pas peur de les inciter à s'implanter à l'étranger pour qu'elles y produisent à coûts réduits et y diversifient leurs risques. Le coeur de l'activité, avec la plus forte valeur ajoutée, pourra ainsi être pérennisé et renforcé chez nous. Une telle tâche pourrait faire partie du mandat de Swiss Global Enterprise ou d'une autre organisation similaire.

2. Une adaptation du système de « loss carry forward » permettrait de limiter les délocalisations en offrant aux actionnaires une forte motivation à rester en Suisse. Cela permettrait aussi de stimuler des investissements même en période de crise.

3. Une promotion d'un outil innovant, le « Cost Differential Frontier » développé à l'UNIL, permettrait d'évaluer les coûts cachés d'une délocalisation et d'optimiser celle-ci.

4. Une forme d'extension du chômage technique : les postes qui ne seraient pas délocalisés verraient le différentiel (salaire suisse moins salaire délocalisé) pris en charge pendant cinq ans, les employés continuant bien sûr à travailler.

Les grandes entreprises ont dans l'ensemble été moins impactées par la crise du franc fort. Du fait de leur forte présence internationale, elles jouissent déjà d'une bien meilleure répartition des risques et d'une bonne optimisation des coûts. Il serait bon d'aider nos PME innovantes à en faire de même, en les accompagnant dans ce processus, peu familier pour nombre d'entre elles.

Une étape cruciale et délicate, car nécessitant des capitaux et de l'expérience, est par exemple le « saut » commercial à l'international.

Ce soutien pourrait se faire sur le modèle de l'organisation I.E. à Singapour.

D'autres mesures pourraient être prises en Suisse même pour réduire l'écart entre nos coûts domestiques élevés et les marchés d'exportation.


Claude Béglé

Lutter contre l'âgisme pour favoriser l'emploi des seniors

Postulat au Conseil National
17.03.2016

Le Conseil fédéral est chargé de présenter un rapport sur le phénomène de l'âgisme en Suisse et de proposer des solutions pour lutter contre.

L'âgisme discrimine les personnes par des stéréotypes liés à leur âge. Dans le monde du travail, les stéréotypes portent par exemple sur une baisse supposée, à partir de 50 ans, de la flexibilité, de la créativité, de l'esprit d'initiative, de l'ambition. Du côté de l'employeur, cela peut conduire à une réticence à l'embauche des seniors, à leur exclusion des programmes de formation, à une incitation à la pré-retraite. Du côté de l'employé, tes remarques liées à l'âgisme peuvent fragiliser l'estime de soi et aboutir à un désengagement professionnel.

L'âgisme a un coût qu'il serait intéressant d'évaluer : les entreprises se privent de l'engagement et de la reconnaissance des travailleurs les plus expérimentés, il pousse à la retraite certaines personnes qui ont encore beaucoup à offrir, il pèse sur le système de chômage et d'aide sociale, il pénalise les secteurs en pénurie de main d'oeuvre.

Plusieurs solutions seraient à étudier : création d'un observatoire de l'âglsme en Suisse, campagne de sensibilisation auprès des entreprises, promotion de la mixité générationnelle au travail, lissage des cotisations de retraite, système de prévoyance ne pénalisant pas ceux qui veulent travailler au-delà de 70 ans, renforcement des mesures existantes pour la réintégration des chômeurs seniors au marché du travail.

La population des travailleurs seniors ne constitue plus un groupe homogène évoluant de façon linéaire avec l'âge. Nombreux sont les seniors qui ont encore beaucoup à offrir. C'est pourquoi nous devons changer notre regard sur cette catégorie de personnes.

Agir contre l'âgisme permettrait :

  • d'anticiper la hausse massive des départs à la retraite à partir de 2020 alors que le nombre d'entrants sur le marché du travail restera stable
  • de lutter contre le chômage des plus de 50 ans qui croît plus vite que la moyenne. Cette catégorie représente aussi plus de 40% des chômeurs longue durée
  • de répondre à la pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs. Pour rappel, le Secrétariat à l'économie avait estimé à 96 000 personnes le potentiel inexploité de travailleurs indigènes de plus de 55 ans
  • de consolider la société et les finances publiques grâce à des seniors actifs, intégrés sur le marché du travail

Claude Béglé

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Rapport de la CPE sur 40 ans d’adhésion de la Suisse à la Convention européenne des droits de l’homme

14 mars 2016

Le 28 novembre 1974, la Suisse ratifiait la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'Homme. Née en 1950, sur les ruines de la 2ème guerre mondiale, cette Convention fixait des exigences minimales pour l'Europe en matière de droits fondamentaux, de sécurité et de libertés individuelles, des valeurs garantes de paix et de démocratie.

Le système de la Convention repose sur 47 pays et une institution clé qui est la Cour européenne des droits de l'Homme siégeant à Strasbourg.

La Convention européenne des droits de l'Homme a acquis une influence majeure. Certains se réjouissent des effets révolutionnaires et bénéfiques sur l'ordre juridique des pays européens. D'autres déplorent l'emprise de la Cour européenne des droits de l'Homme sur l'ordre juridique national et se demandent si la Suisse ne devrait pas s'en retirer.

1. Depuis sa création, en 1950, la Convention européenne des droits de l'Homme est devenue un système incontournable de protection des droits humains.

Plusieurs points forts caractérisent ce système, le premier étant sa capacité à évoluer avec la société. Au fil des années, le catalogue de droits a été élargi, les compétences de la CEDH ont été étendues.

La Convention est, d'autre part, bien plus qu'un traité multilatéral, car elle repose sur un fonctionnement très démocratique. Chacun des 800 millions de citoyens des pays signataires peut recourir contre un des États membres, les décisions s'appliquant à tous.

Enfin, le principe de ·subsidiarité démultiplie l'impact de la Convention en confiant aux Etats membres l'énorme travail d'application des droits de l'homme. La Cour n'intervient que sur demande et une fois les voies juridiques nationales épuisées.

C'est ainsi que la CEDH est devenue la pierre angulaire d'une communauté européenne de valeurs fondamentales.

Et même si certains estiment qu'une démocratie est en mesure de garantir seule ses libertés fondamentales, il ne faut pas s'offusquer de prendre son inspiration ailleurs, ces droits de l'Homme étant universels.

2. L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme se mesure aussi à ses effets bénéfiques sur le système juridique suisse.

2.1 Là, il nous faut mentionner l'impact conséquent de la CEDH sur le catalogue des droits fondamentaux de notre Constitution actuelle, ainsi que d'autres évolutions juridiques, par exemple en termes de patronyme des personnes mariées, d'écoutes téléphoniques ou des règles de détention.

2.2 La CEDH met parfois le doigt sur un sujet délicat. C'est l'occasion d'une réflexion salutaire qui n'épargne aucun pays. Ainsi, la Cour a soulevé la question du droit de vote des prisonniers en Grande Bretagne, du problème des enfants placés en Suède, des aspects discriminatoires du droit de la famille en Autriche.

2.3 Soulignons aussi que la Suisse s'en sort plutôt bien. Sur 6'240 plaintes en 40 ans, seules 104 ont abouti à une condamnation. C'est le signe réjouissant qu'il y a peu de lacunes dans notre système juridique. A contrario, 50% des plaignants s'attaquent à la Turquie, l'Italie, la Russie, la Pologne et la Roumanie.

3. Le caractère contraignant de la Convention des droits de l'Homme suscite souvent des critiques.

3.1 On reproche surtout à la Convention d'empiéter sur la souveraineté nationale. Très tôt, le Tribunal fédéral a en effet a tenu compte de la Convention. Les arrêts de la Cour l'emportant sur le droit national, certains y voient une sorte de "tribunal de quatrième instance".

3.2 Une autre critique porte sur le caractère évolutif de la Convention. A vouloir toujours être en phase avec la société, cet« instrument vivant » est parfois en avance sur les législations nationales. Le cas s'est posé pour la Suisse avec l'arrêt Emonet & autres quant à l'adoption de l'enfant d'un concubin, mais aussi en matière de nom des époux, d'assistance au suicide, de non-renouvellement d'autorisations à des étrangers.

3.3 La CEDH n'a rien de constitutionnel. Elle se cantonne à contrôler la conformité à la Convention et statue toujours sur des cas concrets. Cela dit, il n'est pas exclu qu'une initiative populaire soit condamnée par la Cour. Le cas ne s'est pas encore posé en Suisse, mais la Cour pourrait par exemple être saisie de celle sur l'interdiction des minarets.

3.4 A cela s'ajoute d'autres problèmes concernant la nature des arrêts rendus. La Cour accepte de considérer des faits postérieurs au jugement national, au risque de décrédibiliser les décisions nationales. Un tel procédé risque d'accroître l'insécurité du droit et est peu compatible avec le principe de subsidiarité.

3.5 Une autre grande critique formulée contre la CEDH est l'extension de son champ d'action, ce qui multiplie les interférences avec les instances nationales.

3.6 Une solution à ces problèmes est en vue avec l'instauration d'une subsidiarité à double sens. Les États membres continuent d'avoir pour tâche de veiller au respect de la Convention. La nouveauté étant qu'ils jouiront d'une marge d'appréciation mieux définie et respectée par la Cour.

3.7 Dans la pratique, il est à noter la Cour fait déjà preuve d'une certaine retenue pour des sujets non tranchés. La Cour n'est ainsi par intervenue dans la polémique sur le crucifix en Italie, ni lorsque la France a prohibé la burka, ni lorsque le canton de Genève a interdit à une enseignante d'exercer avec un foulard.

4. Un vrai problème de la Convention eurooéenne des droits de l'Homme est sa lourdeur administrative.

4.1 La CEDH a été sollicitée environ 650 000 fois depuis sa création. Elle rend près de 1000 arrêts par an. Cela génère des frais de fonctionnement importants et l'empêche de fournir une justification en cas d'irrecevabilité.

4.2 Les délais de traitement sont également beaucoup trop longs. Ainsi une requête suisse devra attendre plus de quatre ans et demi avant d'être jugée.

5. Ces critiques conduisent certains à vouloir dénoncer la Convention. ce que le Conseil fédéral refuse.

5.1 Un retrait serait en en contradiction avec l'image de la Suisse qui a toujours été pionnière en matière de droits de l'homme. Il en résulterait une forme d'isolement dans la politique extérieure de la Suisse. Enfin, notre pays serait privé des évolutions positives de la Convention et d'un accès à une institution internationale dynamique. A noter qu'un seul pays -la Grèce- a dénoncé la Convention, pour y ré-adhérer d'ailleurs par la suite.

5.2 L'impact serait également négatif pour la Convention des droits de l'Homme ellemême, car elle se retrouverait avec un « trout » au milieu de l'Europe.

5.3 D'autre part, il serait difficile de dénoncer la Convention sans sortir du Conseil de l'Europe. De plus, une ré-adhésion ultérieure risquerait de se faire selon des conditions plus contraignantes. En fin de compte, nous n'aurions pratiquement rien à y gagner. Les acquis intégrés depuis l'adhésion demeureraient. Et à peu près les mêmes obligations sont désormais inscrites dans le Pacte de l'ONU, auquel nous avons souscrit, et qui n'est
pas renégociable. Ce serait donc peine perdue.

5.4 En revanche, la Suisse a potentiellement beaucoup à gagner en jouant pleinement son rôle au sein de la CEDH. Son influence peut croître (il y a déjà eu une longue période de présidence suisse) et cela poussera certains États – dont notre voisin italien, mais surtout les pays de l'Est et la Turquie – à améliorer leur façon d'agir.

6. Pour ce qui est de l'avenir de la Convention. des garanties se mettent en place.

6.1 L'adhésion de l'Union européenne à la Convention des droits de l'homme étant à l'étude, certains craignent qu'elle se fasse au détriment des pays non membre de l'Union européenne. Actuellement, aucun signe ne conforte cette crainte.

6.2 Nous avons vu que le principe de subsidiarité va être renforcé pour un meilleur respect des décisions nationales. C'est une garantie très importante pour le
fonctionnement futur de la Convention. Il est porté par le protocole 15, qui a été approuvé par le Conseil national et le Conseil des Etats.

Enfin, certains se demandent si la Convention des droits de L'homme peut apporter des réponses à La crise des réfugiés. La question est ouverte.

Pour conclure, il serait dommage de se retirer de La Convention européenne des droits de L'homme. Mieux vaut au contraire ancrer cette institution au coeur du système de valeurs faisant notre identité et notre force.

On constate aussi que cette thématique est mal connue et mérite plus de visibilité. D'où ce débat devant le Conseil national.

Claude Béglé

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La tolérance n’empêche pas la fermeté

Le conseiller national Claude Béglé traque le lien entre terrorisme et intégration des étrangers.

Les abominables actes terroristes perpétrés vendredi à Paris nous rappellent l’inévitable lien entre politique étrangère et intégration des étrangers sur son propre territoire. Qu’on le veille ou non, les faits sont là: la guerre devient extraterritoriale. Le soi-disant Etat Islamique n’a aucune légitimité internationale, mais il n’en a cure. Certes, il cherche à conquérir en Syrie et en Irak un territoire qui serait le sien, dont le pourtour se modifie sans cesse, avec du pétrole. Mais il ne respecte pas le territoire des autres. La France est devenue pour la deuxième fois l’un de ses territoires de chasse préférés, en s’appuyant sur des complicités locales. Car la notion de «peuple» de cet État fantôme est toute aussi floue que celle de son territoire.

Le «peuple» de l’Etat Islamique, ce ne sont certainement pas les populations vivant sur les territoires conquis par Daech et martyrisées par ses troupes. Ce qui constitue les forces vives de l’Etat Islamique, ce serait plutôt les cerveaux de cette organisation, dont certains anciens généraux de Saddam Hussein, et les bataillons de militants qui s’engagent pour une telle cause. Or, qui sont-ils? Des gens avides de pouvoir, quelques tenants d’une orthodoxie religieuse dépassée et aussi des jeunes un peu déboussolés, fascinés par l’extrémisme dogmatique, manichéen et violent qu’on leur propose.

Tout d’abord rester ouverts et tolérants, ne pas ostraciser l’Islam

C’est là qu’existe un lien entre terrorisme et intégration des étrangers. Certains actes terroristes peuvent être le fait de loups solitaires, mais pas une organisation comme celle à laquelle nous venons d’assister, combinant l’engagement de commandos venus du dehors (y compris, semble-t-il, de «faux réfugiés») et celui de complices locaux. Il y a fort à parier que les jeunes Occidentaux candidats à la «djihad» sont souvent d’anciens immigrés – ou descendants d’immigrés – en provenance du Moyen-Orient ou d’Afrique, qui se sont mal intégrés en Europe, n’ont pas trouvé le moyen de s’y épanouir et dont la frustration personnelle se traduit par une radicalisation. Certaines «cités» aux alentours de Paris en regorgent. Ce sont déjà des zones de quasi non-droit, où la police française ne se hasarde qu’avec précaution. Cela constitue bien sûr le modèle à ne pas suivre.

Dès lors, que faire? Tout d’abord rester ouverts et tolérants, ne pas ostraciser l’Islam, dont la grande majorité des fidèles ne sont ni fanatiques, ni extrémistes. Ensuite, continuer d’accueillir des réfugiés en fonction de la tradition humanitaire suisse, mais en faisant un effort additionnel pour ne pas les isoler dans des silos, mais plutôt en les accompagnant sur le chemin de l’intégration culturelle, sociale et économique. Enfin il nous faut rester vigilants, renforcer nos services de renseignement, essayer de mieux filtrer les éléments potentiellement nocifs et réagir avec vigueur à l’encontre de toute tentative de radicalisation.

Claude Béglé, Conseiller national

Paru dans 24 Heures, le 23 Novembre 2015

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Oser une immigration raisonnable et assumée

Claude Béglé, candidat PDC au National et aux Etats, donne sa vision des problèmes migratoires.

L’Histoire l’a prouvé: une immigration raisonnable est source de richesse pour la Suisse. Elle représente le complément nécessaire au développement économique. Elle a aussi permis de limiter le déficit démographique et aidé au financement de nos institutions sociales. Le plus remarquable a été la capacité de notre pays à assimiler ces étrangers. Il est champion d’Europe en la matière. Un bon tiers de la population résidant en Suisse est soit étranger, soit issu de l’immigration. Davantage sur l’arc lémanique. La recette miracle? Un constant effort d’intégration réciproque entre résidants d’origine et immigrants.

Il convient de ne pas mélanger la libre circulation des personnes (à savoir la possibilité pour des Européens de venir travailler en Suisse et vice versa) et l’asile, concernant surtout des ressortissants d’autres régions du monde. Dans le premier cas, il s’agit d’un des principes fondamentaux du projet de construction européenne; directement lié aux accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne. Ils sont essentiels à la prospérité du pays, avec un volume d’échanges d’environ un milliard de francs par jour. Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre le risque de les résilier.

Par chance, l’Europe, elle non plus, n’y trouverait pas grand intérêt. Fixons donc dans un article constitutionnel la nécessité de rapports de bon voisinage et la voie bilatérale comme instrument pour y parvenir. Ayons le courage de tenter une négociation globale incluant les Bilatérales I II et III. À quoi on ajoutera, en interne, des mesures pour lutter contre le dumping salarial et un effort accru de formation pour nos concitoyens.

Il convient de ne pas mélanger la libre circulation des personnes et l’asile

L’asile répond à une autre logique. Accueillir des réfugiés ayant tout perdu et en danger de mort est un réel devoir moral. La Suisse se doit d’honorer sa tradition humanitaire. Les mouvements migratoires actuels, avec 51 millions de personnes déplacées dans le monde, ont de quoi inquiéter, notamment la crise que le Proche-Orient et la Corne de l’Afrique traversent. On peut craindre un afflux excessif de réfugiés, qui plus est de la part de personnes dont les repères culturels sont assez différents des nôtres.

Alors que faire? Trois choses. Les accueillir, d’abord, sans les diaboliser, et leur offrir un toit, de la nourriture et des soins médicaux d’urgence. Pendant ce temps, procéder à un premier filtre afin de détecter d’éventuels agitateurs où terroristes. Après un premier examen, leur accorder un permis provisoire avec possibilité d’apprendre notre langue et de faire des stages (sans prestations sociales) afin d’éviter l’oisiveté. Enfin, en cas d’acceptation – en quatre ou cinq mois au plus – intégration complète, y compris en recourant à l’aide de «parrains» bénévoles, à savoir des Suisses de bonne volonté leur expliquant nos us et coutumes, leur ouvrant une partie de leur réseau et les aidant à trouver le chemin de l’intégration.

Claude Béglé, Conseiller national

Paru dans 24 Heures, le 8 Octobre 2015

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