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Rapport sur la Corée du Nord

RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE 
 

1. But et cadre du voyage 

Je suis venu en Corée du Nord avec un triple objectif :

  • Essayer de comprendre sans a priori et de mes propres yeux ce qui s’y passe. 
  • Écouter ce qui se dit du processus de paix, de dénucléarisation et de réunification de la Corée. 
  • Anticiper ce qui pourrait se passer au plan économique en cas d’ouverture graduelle du pays. 

Ceci est la visite privée d’un parlementaire fédéral, sans mandat officiel de la part d’une quelconque instance politique de Suisse. J’ai payé ce voyage de ma poche, sans que ça ait coûté quoi que ce soit à la Confédération et aussi pour assurer mon indépendance d’analyse et de jugement. En revanche, ce sont les Autorités coréennes qui ont défini – en concertation avec moi – l’organisation des rencontres, visites de site et déplacements. Les commentaires ci-dessous n’engagent évidemment que moi. 

Il existe beaucoup d’idées préconçues de part et d’autre, en Corée du Nord, mais aussi chez nous, au sujet de ce qui se passe de l’autre côté du miroir. J’ai jugé utile de m’en rendre compte par moi-même, sur la base des années que j’ai passées en Europe de l’Est au moment du changement de système et des grandes privatisations. On peut observer d’assez nombreux parallélismes, mais avec quelques exceptions. J’ai tenu à faire une analyse aussi impartiale que possible, en relevant à la fois les points où le système nord-coréen me semble dans l’erreur, mais en notant aussi ce qui s’y fait de bien. Une meilleure compréhension mutuelle de la réalité de l’autre système, au-delà de toute idéologie, me semble être une condition sine qua non à un éventuel rapprochement entre la Corée du Sud et celle du Nord et au phénomène de dénucléarisation de la péninsule. 
 

2. Un pays, deux réalités

La Corée du Nord a deux faces. Les deux sont bien réelles. Comme beaucoup de pays à économie intermédiaire, coexistent à l’intérieur même du pays deux niveaux de développement très différents l’un de l’autre. Et les écarts n’ont pas l’air de se résorber, mais plutôt tendance à s’accentuer.

A quoi il faut ajouter un élément spécifique à la Corée du Nord: le fait que c’est l’un des derniers au monde à entretenir une idéologie communiste et des pratiques inspirées de Staline: manque crasse de transparence, pensée unique, mesures de contrainte envers les dissidents, camps de travaux forcés, voire élimination des opposants politiques. 

Ce pays de 25 millions d’habitants fonctionne donc à deux vitesses: 20 millions d’entre eux qui vivent dans des conditions de réelle précarité et probablement sans autre choix que de subir leur sort, et 5 millions pour lesquels les conditions d’existence se présente de façon bien plus favorable.

Dans le premier cas, il s’agit d’une population essentiellement rurale, en zone montagneuse, soumise aux aléas de la nature (tantôt inondations, tantôt sécheresse comme cette année). Mais il peut aussi s’agir d’ouvriers forcés de travailler dans de grands conglomérats industriels ou dans les mines, comme cela était chose courante dans les goulags de la défunte URSS. On sait que lors de l’effondrement de celle-ci, la Corée du Nord a connu une période très critique ayant entraîné entre un et deux millions de morts. Qu’en est-il aujourd’hui? Il semble que la situation soit encore misérable; mais probablement s’est-elle marginalement améliorée, bien je ne puisse pas la commenter, n’y ayant pas été. 

Le deuxième cas de figure est très différent. Et il ne concerne pas qu’une poignée de dignitaires et autres favorisés proches du régime. J’ai pu en faire la constatation à Pyongyang bien sûr, mais aussi à Wonsan (troisième ville du pays) et le long des quelque 700 kilomètres parcourus à travers le pays. Ce que j’ai vu est loin d’être catastrophique, sans misère apparente. Ce qui frappe le plus, c’est une population travailleuse et méticuleuse, soucieuse de bien faire (en contraste marqué avec le régime bolchevique). J’ai vu des usines dans lesquelles se faisaient des investissements, une agriculture prise au sérieux, des logements pas luxueux mais convenables et des magasins (auxquels je décidais moi-même d’aller) bien achalandés. Et j’ai pu prendre librement des centaines de photos pour en attester. A une telle échelle, ça ne peut pas être qu’un effet Potemkine. La Corée du Nord est déjà, à mon avis, un pays à économie intermédiaire. 

Probablement, il y avait vingt ans, l’écrasante majorité de la population faisait-elle partie de la première catégorie, celle qui vit presque sans liberté dans un état misérable, exception faite de quelques privilégiés proches du parti ou des forces armées. Mais la situation semble avoir évolué dans le sens d’un accroissement substantiel de la population appartenant à la deuxième catégorie, celle qui n’est plus dans le besoin et a davantage de marge de manœuvre. 

La Corée du Nord présente donc bel et bien deux faces distinctes: l’une plus grimaçante, héritée du marxisme-léninisme, et l’autre comptant à son actif quelques belles réussites. Il serait faux de vouloir ignorer l’une d’entre elles, quelle qu’elle soit. 
 

3. Un régime totalitaire

Il ne fait aucun doute que le système nord-coréen est totalitaire et dictatorial, avec très peu de libertés individuelles et une imposition stricte de la notion de discipline. On est au royaume de la pensée unique, les idées dissidentes n’y ont pas leur place.

Cela est évidemment un héritage du régime soviétique, et même stalinien, avec son cortège historique de dérives: Armée et police toutes puissantes, élimination des rivaux ou opposants politiques, camps d’internement dont on n’était pas certain de revenir, travaux forcés, etc. 

Un exemple récent a été l’assassinat à l’aéroport de Kuala Lumpur du frère aîné du Président Kim Jung Un, que certains observateurs avisés considéraient comme l’homme par lequel une transition démocratique aurait pu se produire. 

Qu’en est-il aujourd’hui? Difficile de se faire une opinion, vu l’omerta qui plane sur ces questions. Il semble néanmoins évident que les Droits de l’Homme sont encore fréquemment bafoués en Corée du Nord. Une commission des Droits de l’Homme de l’ONU considère à plusieurs centaines de milliers le nombre de prisonniers politiques qui sont morts au cours des cinquante dernières années. Et il y aurait encore un grand nombre de détenus politiques. Mais il n’existe pas de statistiques fiables et on ne m’a évidemment rien laissé entrevoir à ce propos. Mais force est de constater que cela correspond à l’ADN du régime.

Ce qui est du domaine public en revanche, c’est que les citoyens nord-coréens ne peuvent pas circuler librement. Pour ceux qui ne résident pas à Pyongyang, il faut un permis pour entrer dans la capitale. Il en va de même à proximité de la ligne de démarcation et dans la zone proche de la frontière avec la Russie.

L’apparente acceptation de ce système totalitaire par la population, avec un manque de recul et d’esprit critique, m’a paru curieux. C’est une question que j’ai souvent posée, mais pour nombre de mes interlocuteurs, cela semblait aller de soi que le système dans lequel ils vivaient était le mieux adapté à la situation. Je me suis donc demandé d’où provenait l’apathie avec laquelle les gens acceptent le système en place. Trois raisons me semblent envisageables. Bien sûr, cela peut provenir de la crainte de représailles. Et aussi du fait qu’ils n’ont rien connu d’autre. Troisièmement, il se pourrait aussi qu’à la pensée socialiste et collectiviste vienne s’adjoindre un élément culturel commun tant aux pays capitalistes que communistes de la région: la conception d’une responsabilité propre qui dépasse la sphère individuelle, mais s’inscrit plutôt au service dès la collectivité: comme au Japon ou en Corée du Sud par exemple.  
 

4. Un système politique verrouillé

Il y a un écart notoire entre ce que déclare la Constitution et ce qu’on peut observer. Officiellement, il s’agit à l’article 1 d’un « État socialiste souverain qui représente les intérêts de tout le peuple coréen ». A quoi s’ajoute, à l’article 5, que le mode de gouvernance de l’Etat est celui du « centralisme démocratique ». 

De son côté, l’indice de démocratie établi par “The Economist” place la République Populaire et Démocratique de Corée (RPDC) au dernier rang mondial. 

C’est le Parti du Travail de Corée (PTC), à savoir l’ancien Parti Communiste, qui détient le pouvoir politique. Il y a bien deux autres partis (le Parti Social Démocratique de Corée et le Parti Chondogyo-Chong-u), mais ils sont sous la coupe du PTC. 

Le pouvoir législatif central est constitué par l’Assemblée Populaire Suprême, avec 687 députés élus pour cinq ans. Cependant, les députés à l’Assemblée Populaire Suprême ne sont en réalité pas élus par le peuple, au sens où nous l’entendons, mais plutôt sélectionnés et cooptés par les instances supérieures de l’appareil étatique, et alors seulement présentés à l’élection populaire. Le chef de l’Assemblée Populaire Suprême est le Président Kim Jung Un. 

J’ai personnellement eu l’occasion d’assister à des élections régionales, ce qui est en fait un jour de fête et d’adoubement pour les candidats choisis par le régime. Il y a bien un isoloir et des urnes. Mais avant même que le bureau de vote n’ouvre, le vainqueur est déjà connu de tous. La population est invitée à revêtir ses plus beaux atours (costumes traditionnels), il y a des chants et des danses; bref c’est la liesse.

Quant à l’organe exécutif suprême, dont les membres sont élus par l’Assemblée Populaire Suprême, c’est le Comité des Affaires de l’Etat, dont la mission explicite est de contrôler à la fois la puissante Armée Populaire de Corée, le Parti du Travail de Corée et le Gouvernement. Autant dire qu’il a tous les pouvoirs. Et c’est également Kim Yong Un qui en a la Présidence. 

Cela étant, il est intéressant de constater qu’il est en train de remplacer la vieille garde par des cadres plus jeunes et plus expérimentés. C’est ainsi que M. Rob Moo-Hyun (91 ans), ancien Chef de l’Etat, vient d’être remplacé en avril 2019 par M. Choe Ryong Hae, de même que l’ancien Premier ministre, M. Pak Pong-Ju (79 ans) par M. Kim Jae-Ryong. 

Quant à la doctrine du PTC, elle se base sur celle du marxisme-léninisme, mais avec des éléments supplémentaires propres à la Corée du Nord: il s’agit de celle du « Juche », à savoir une recherche systématique d’indépendance et de souveraineté nationale, à la fois au plan économique et économique.  
 

5.  Le culte de la personnalité 

Il existe partout une sorte de vénération à l’égard du fondateur de la dynastie, Kim Il Sung, qui a mené la guerre d’indépendance face au Japon, puis combattu contre les troupes américaines et alliées; de son fils le Grand Dirigeant Kim Jong Il, qui a repris le flambeau en 1994; auquel a succédé 2011 le fils cadet de celui-ci, l’actuel Leader Suprême, Kim Jong Un. Ça en fait la première dynastie communiste du monde.

Leurs portraits (souvent à deux) se retrouvent partout: dans la rue sur des pancartes géantes, dans le métro, à l’entrée de tous les bâtiments officiels et des usines, souvent même à l’intérieur des immeubles et des pièces. Et il est de coutume que les Coréens s’inclinent devant l’effigie de leurs leaders. J’ai aussi constaté que les conducteurs ralentissaient, par respect, en longeant certains bâtiments officiels. 

Mangyongdae, le lieu de naissance du Président Kim Il Sung, est devenu une sorte de lieu de pèlerinage. Un peu comme s’il s’agissait d’un Saint. De même, la date de naissance de Kim Il Sung est devenue le jour 1 de l’an 1 du calendrier coréen. 

Il est également assez fréquent de montrer en souvenir, presque avec vénération, des objets associés à un des membres de la famille Kim: par exemple au Musée de la guerre de libération de la patrie, le « siège sur lequel Kim Jung Il s’est assis lors de la visite d’une usine textile, le 30 juillet 2009 »… 
 

6. Orchestration de la propagande

La propagande est partout. Les médias sont strictement contrôlés. Et un dérapage est inimaginable. Internet est également étroitement surveillé, si tant est qu’il passe. Et bien sûr, les réseaux sociaux sont proscrits.

Le régime de Pyongyang organise des manifestations et spectacles grandioses. Le plus impressionnant en est le « Pays du Peuple », une superproduction dans un vaste stade avec des dizaines de milliers d’acteurs et figurants. L’orchestration de ces ballets à très grande échelle implique une parfaite discipline; mais ce qui m’a frappé encore plus, c’est l’immense panneau du fond sur lequel apparaissent des slogans qui reviennent en boucle. Or, ce panneau n’est pas électronique; ce sont des centaines d’élèves qui brandissent des pancartes de couleurs différentes et dont l’ensemble forme une image. Les changements se font en un clin d’œil, avec une précision sidérante. 

Comme c’était le cas dans les pays du bloc soviétique, les dirigeants ont su tirer un profit maximal du talent des artistes locaux pour rendre leur propagande esthétique. Cela reste de la propagande, mais c’est beau. Un des meilleurs exemples en la matière est le spectacle des enfants, parfaitement bien mis en scène et avec des performances de qualité.  

L’architecture est un autre moyen d’affirmer la grandeur du système et d’agir sur l’imaginaire de la population. Il y a d’un côté les imposants bâtiments publics que sont le Palais des Études du Peuple (une immense bibliothèque nationale ouverte à tous les résidents de Pyongyang), le Palais du Soleil (où reposent Kim Il Sung et Kim Jong Il), l’Arc de Triomphe, le monument Juche, des stades, ainsi que les sièges des administrations publiques. Mais il y a aussi une architecture civile aux formes résolument modernes, détonnant d’avec l’austérité soviétique. Certains de ces bâtiments sont dysfonctionnels, à l’instar de cette haute pyramide de verre qui est l’un des symboles de la silhouette de Pyongyang, mais qui est restée inoccupée depuis sa construction. 

Certes, Pyongyang n’est pas représentative de la Corée dans son ensemble, et encore moins les bâtiments qu’on nous fait visiter. N’empêche que des tours – parfois assez luxueuses – voient le jour un peu partout, et ça ne peut pas être un seul effet Potemkine. 

Cela étant, au delà de ce qui nous agace nous autres Occidentaux, cette propagande a un effet mobilisateur non-négligeable. Elle semble ne pas trop déranger la population, les gens s’y étant habitués. Mais elle permet de cultiver l’esprit « juche », avec une vision partagée et une assez grande cohésion dans l’ensemble de la population.

On se retrouve sans cesse en Corée du Nord confronté à des mots creux, mais paradoxalement aussi à des réalisations concrètes.  
 

7. Dernier Carré de l’Internationale Socialiste 

La RPDC est un typique produit de la Guerre Froide. C’est pourquoi durant de nombreuses années, aucun pays du monde occidental n’entretenait de relations diplomatiques avec elle. En revanche, elle en avait de très bonnes avec l’ensemble du Bloc Socialiste. 

Aujourd’hui, les choses se sont normalisées et la plupart des pays, quelle que soit leur orientation politique, ont noué des relations diplomatiques avec la RPDC, à l’exception notoire des Etats-Unis et de quelques autres. Au passage, la RPDC souhaiterait accréditer un ambassadeur à Berne et en accueillir un à Pyongyang, un peu comme c’est le cas avec la Suède, qui assure la protection diplomatique des intérêts américains en Corée du Nord. 

S’il est perceptible qu’à l’origine, la Corée du Nord a surtout été influencée par l’Union Soviétique, c’est aujourd’hui la Chine qui a pris le relai. Probablement à cause de la longueur des frontières respectives (1’416 kilomètres avec la RPDC, par rapport aux 19 km de frontière avec la Russie. Mais aussi pour des raisons idéologiques, la Russie n’étant plus du tout un pays communiste. La Chine est donc l’Etat qui soutient le plus et le mieux la Corée du Nord, notamment en l’aidant peut-être à aménager une porte arrière par rapport à certaines des sanctions qui lui sont imposées. De l’ancien bloc soviétique, c’est probablement avec les Mongols que les Nord-Coréens entretiennent les relations les plus amicales. Elles sont aussi bonnes avec le Viêt Nam. 

Cela étant, la RPDC est l’un des derniers endroits au monde où se retrouvent les représentants des pays et mouvements d’extrême-gauche. Comme j’étais installé à l’Hôtel Koryo – celui du Parti -, j’ai pu me rendre compte des visiteurs reçus à Pyongyang. Et on retrouve les mêmes au cours des spectacles officiels, les circuits de visites étant en général assez courts et similaires. C’est ainsi que j’ai croisé une délégation des jeunesses vénézuéliennes. A la même période sont venues une délégation cubaine, ainsi que plusieurs en provenance d’Afrique. Cela m’a valu des discussions assez approfondies avec le chef de l’opposition au Mali. Pour la petite Histoire, j’ai croisé à plusieurs occasions une délégation de jeunes communistes suisses, en provenance du Tessin ! 
 

8. Priorité aux questions militaires

L’extrême militarisation de la RPDC s’explique par deux raisons: d’abord par le contexte historique et aussi par la nature même du régime nord-coréen, issu de celui de l’URSS. 

Les Coréens n’ont pas oublié l’humiliante occupation de la péninsule coréenne par les Japonais, durant une quarantaine d’années, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Puis à peine le pays a-t-il été libéré qu’il est devenu un terrain d’affrontement entre l’Union Soviétique et les Etats-Unis, la ligne de démarcation se situant sur le 38eme parallèle. C’est alors qu’eut lieu la Guerre de Corée, entre 1950 et 1953. Les troupes de Corée du Nord, dirigées par Kim Il Sung, lui-même soutenu par Staline et Mao, entrèrent le 25 juin 1950 en Corée du Sud pour réunifier la péninsule sous leur égide. Forte de 130’000 hommes, elles commencèrent par écraser l’armée de Corée du Sud et à occuper la plus grande partie du territoire en dessous du 38eme parallèle. La contre-offensive des forces des Nations-Unies, essentiellement américaines, les repoussa vers l’extrême Nord du pays. Les Chinois envoyèrent alors un renfort massif d’un million d’hommes pour soutenir Kim Il Sung; et les positions se figèrent à nouveau là où elles étaient auparavant. Avec au passage un bilan de quelque deux millions de morts, dont plus de la moitié en Corée du Nord. 

La situation est dès lors plus ou moins stabilisée, avec néanmoins de gros effectifs militaires des deux côtés des 238 kilomètres de frontière séparant le Nord et le Sud. Quelque 30.000 soldats américains sont stationnés en Corée du Sud. La Suisse et la Suède jouent un rôle important en veillant à la bonne application du cessez-le-feu le long de la ligne de démarcation.

Cet apaisement relatif a été émaillé, au cours des années, de divers incidents. Des incidents récurrents se produisent. Le 21 janvier 1968, des agents Nord-Coréens attaquent le Palais présidentiel à Séoul. Puis c’est l’arraisonnement du navire-espion américain El Pueblo dans les eaux territoriales nord-coréennes. Après que les Etats-Unis ont présenté leurs excuses, l’équipage a été libéré. Mais les Nord-Coréens font visiter ce bateau (je l’ai fait) avec son équipement de la CIA. Puis a eu lieu la crise des missiles de 2013.   

L’effort extrême réalisé par la Corée du Nord en matière d’armement relève de la doctrine de Songun (priorité absolue à l’Armée). En jargon nord-coréen: « l’emporter sur un ennemi numériquement et techniquement supérieur par la supériorité tant politique et idéologique que stratégique et tactique ». A savoir, à la fois entretenir des troupes qui croient en leur mission et prêtes à tout pour y parvenir; et investir massivement dans l’armement et les fonctions de soutien.

C’est ainsi que l’armée et les usines d’armement ont reçu une priorité inconditionnelle. Leur budget équivaut à 25% du PNB. 

A quoi s’ajoute une fierté nationale et un patriotisme très marqué. Les termes de souveraineté et d’indépendance reviennent très souvent. On ressent même une certaine fierté à posséder des ogives nucléaires et donc à faire partie de la cour des grands. Sans cet élément-là, en quoi le Président Trump se serait-il autant intéressé à un petit pays sans grandes ressources comme la Corée? 

L’Armée Populaire de Corée (APC) a été fondée en février 1948. Elle est placée sous le commandement suprême du Maréchal Kim Jung Un en personne. Le Ministre de La Défense est le Général Pak Yong Sik et le chef d’Etat-Major le Général Ri Yong Gil. 

L’Armée Populaire de Corée compte 1.125.000 militaires actifs (environ 4.5% de la population) et 9.500.000 réservistes, soit au total plus de 40% de la population.  Il s'agit de la quatrième plus importante armée du monde en effectifs et la première en nombre de militaires. Le volet militaire est évidemment l’une des pièces maîtresses du régime, celui-ci en prend soin.

Elle est constituée en forces terrestres, navales, aériennes et spatiales. 

A quoi s’ajoute un complément semi-civil: les Gardes Rouges des Ouvriers et Paysans, ainsi que les Gardes Rouges des Étudiants. 

En comparaison avec la Corée du Sud, l’Armée Populaire de Corée dispose d’effectifs qui sont à peu près le double en nombre de soldats, de 4.200 chars (soit également le double, mais ils sont assez vétustes), de 2.200 véhicules de troupes blindées (un peu moins qu’au Sud), de 8.600 pièces d’artillerie (50% de plus qu’au Sud), de 740 navires de guerre (quatre fois plus qu’au Sud), de 70 sous-marins (sept fois plus qu’au Sud), de 170 hélicoptères de combat (légèrement moins qu’au Sud) et de 820 avions de combat (près du double en nombre d’appareils, mais incomparablement moins modernes que ceux que les Etats-Unis fournissent à la Corée du Sud). 

En fin de compte, qu’adviendrait-il en cas de déflagration? Difficile d’en prédire l’issue. D’un côté, le matériel dont dispose la Corée du Sud est nettement plus performant que celui aux mains de la Corée du Nord. D’autant qu’un soutien aérien de la part des Etats-Unis serait envisageable. Et c’est de très loin la plus puissante armée du monde. Ce n’est donc pas sur son aviation que la Corée du Nord semble compter, mais plutôt sur ses moyens traditionnels (ses chars et son artillerie), de même que sur sa flotte de sous-marins et bien sûr l’arme balistique. 

Cela étant, malgré l’immense supériorité numérique de l’armée américaine, venir à bout de la Corée du Nord me paraîtrait tenir de la gageure, du fait du nombre d’effectifs de l’APC connaissant bien la topographie de leur pays et de leur apparente détermination. Un facteur essentiel, si cela devait arriver, serait la position qu’adopterait la Chine dans un tel cas de figure.  
 

9. L’explosive question nucléaire 

Les négociations concernant l’explosive question nucléaire entre la Corée du Nord et les pays d’influence occidentale (Japon, Corée du Sud, États-Unis), mais aussi avec la Russie et la Chine ont, depuis le début du millénaire, toujours eu lieu. Pourtant, depuis lors, aucune solution n’a pu être efficacement appliquée pour réfréner l’escalade nord-coréenne.

Le premier essai nucléaire a eu lieu en octobre 2006, avant qu’un second de plus grande ampleur advienne en 2009. En 2012, c’est un lancement de missile de très longue portée qui est testé avec succès, ceci avant l’éclatement de la crise des missiles en 2013, puis un hypothétique essai réussi de bombe à hydrogène le 6 janvier 2016.

Les Nord-Coreens s’estiment fiers des récents succès du programme nucléaire. Le 18 mars 2017, par ailleurs, a été résolu le problème de moteurs de la fusée balistique; puis le 4 juillet (jour de l’indépendance américaine) son lancement effectif. Et enfin le 28 juillet 2017 la même chose, mais de nuit, ce que les Coréens appellent « victoire miraculeuse ».

Le 5 mars 2013, pour y revenir, la crise des missiles qui ressemble, à s’y méprendre, à l’un des événements majeurs des années de Guerre Froide à Cuba en 1962, laisse entrevoir l’attachement que les Nord-Coréens portent à leur attirail nucléaire ; ils brandissent avec facilité la menace d’une bombe A préventive dirigée contre les États-Unis. Les pourparlers et protocoles de paix s’en retrouvent sérieusement mis à mal. La présence d’un arsenal de 10 à 16 bombes atomiques sur le territoire nord-coréen étant naturellement inquiétant. 
 

10. Économie planifiée 

Le système est totalement idéologique. Lorsque j’ai eu l’occasion de parler avec des professeurs d’économie, cela tenait presque du dogme.

Cela étant, il s’agit d’un système entièrement différent du nôtre, avec beaucoup d’inconvénients (c’est pourquoi il a disparu de presque tous les autres pays du monde), mais quand même avec quelques avantages. Les salaires nominaux sont bas, à partir de 50 à 100 CHF par mois pour les ouvriers, mais pratiquement tout ce qui est nécessaire à la vie courante est assuré par l’Etat, du moins en théorie. D’où ces disparités importantes mentionnées au § 2 de ce rapport. Le Président Kim Il Jun a aboli tout système de taxe. Le logement est fourni par l’Etat, mais en fonction des mérites de chacun. Les meilleurs appartements vont aux membres du Parti, à ceux de l’Armée, mais aussi aux intellectuels, chercheurs et enseignants. Les denrées alimentaires de base sont aussi distribuées par l’Etat, en principe afin que chacun en ait sa part. L’éducation est entièrement gratuite, à la fois initiale et tout au long de la carrière. Le système de santé, lui aussi gratuit, est d’assez bonne qualité, notamment en matière de médecine préventive (rencontre avec les doctoresses Choe Suk Hyon, Di Okan et Hoy Sul Gun du ministère de la santé).

Ce qui me dérange personnellement dans ce système, c’est l’importante marge d’arbitraire qu’il sous-entend. Ainsi les faveurs faites aux uns, au détriment des autres, sont souvent présentées comme un cadeau personnel du Grand Leader Kim Jong Un. 

Une bonne illustration en est la maison des ouvrières de l’usine textile de Pyongyang. Elle ressemble plutôt à un hôtel de trois à quatre étoiles. C’est Kim Jong Un qui a voulu leur en faire personnellement cadeau. D’ailleurs il y a un grand tableau de lui à l’entrée. Il paraît qu’il aurait lui-même dessiné le plan de cet édifice, ce qui est en effet plausible. Cafétéria, une sorte de rêve à la Blanche-Neige. Toutes les chaises sont en bois blanc; mais l’une d’entre elles est de surcroît revêtue de tissu blanc. C’est celle sur laquelle s’est un jour assis le Leader Suprême. Il y a une cuisine attenante avec tout le matériel nécessaire pour que les ouvrières puissent se faire plaisir, le dimanche notamment. Chambres pas très grandes, mais lumineuses et proprettes. A noter aussi une salle de jeux. Deux femmes y jouent au ping-pong. Dans ce même bâtiment se trouve aussi une piscine intérieure, avec un bassin olympique. 

Tout cela, c’est beaucoup. Ce serait même probablement trop dans le monde occidental, car les coûts liés à de telles activités accessoires risqueraient de rendre l’affaire non-concurrentielle. Mais en même temps, il faut bien reconnaître que c’est une réalisation surprenante et que c’est très motivant pour celles qui travaillent dans une telle usine. Et il ne faut pas oublier toutes et tous les autres, les laissés pour compte. C’est simplement un système complètement différent.

Historiquement, l’économie coréenne était basée sur l’agriculture, rythmée par le cycle des saisons et sujette de temps en temps à des calamités naturelles: sécheresse ou inondation. C’est un pays aux trois-quarts montagneux, à l’équilibre parfois précaire, d’autant que la plupart des terres cultivables se trouve au Sud du 38ème parallèle. 

D’ailleurs actuellement sévit une très sérieuse sécheresse. Cela constitue une priorité pour les Autorités. Lorsque j’ai rencontré M. Ri Suyong, Vice-Président du Comité Central du Parti, il venait de rentrer d’une tournée dans les zones affectées. 

Puis avec l’ère soviétique vint l’économie planifiée, avec sa ritournelle de plans quinquennaux. Priorité a été clairement donnée à l’industrie d’extraction, à celle d’armement et à des aspects complémentaires au sein de l’industrie lourde. 

Depuis 2002, Kim Jong Il a entrepris un vaste programme de modernisation de l’économie. C’est ainsi que l’industrie légère a pris son essor. Celle-ci se divise entre industrie centrale et locale, avec pour mission pour cette dernière de produire des biens pour les besoins immédiats de la vie des gens. C’est ainsi que dans chacune des neuf provinces et des trois villes indépendantes du pays, il y a au moins une usine de textile, de plastique, de papier, et quelques fabriques de denrées alimentaires, en fonction des matières premières et des besoins spécifiques de cette région. 

Finalement, le Président actuel Kim Jong Un s’est prononcé pour un renforcement de cette tendance et il a accordé encore davantage d’importance au développement de l’économie. On en sent déjà les résultats.  
 

11. Sanctions

La communauté internationale a imposé à la RPDC de sévères sanctions. Celles-ci ont probablement atteint leur objectif principal. Car cela aura permis de limiter l’accès de la RPDC aux technologies avancées en matière d’armement et de nucléaire. En ce sens, l’objectif semble atteint. 

Cela aura probablement aussi eu pour effet collatéral de retarder les développements prévus dans le domaine de la sécurité alimentaire de certaines régions reculées. De même, il semble que rares sont les hôpitaux où se trouvent des machines à rayons X ou des scanners en bon état. Quant à la recherche de titres à la Bibliothèque de l’Université, j’ai essayé de la consulter; mais beaucoup d’articles sont anciens. 

Certes, il semble bien que certaines interdictions puissent être contournées, notamment en passant par la Chine (importation de pétrole, par exemple). D’ailleurs, j’ai pu voir pas mal de produits chinois et russes jusque dans des petits magasins de quartier. J’y ai même trouvé des biscuits Kambly! 

Cela étant, les sanctions ont aussi deux effets différents à ceux escomptés: 

  • le développement d’une véritable économie locale, suffisant en tout cas aux besoins d’une partie substantielle de la population; et
  • le développement de subterfuges de la part de la RPDC pour financer ses besoins en dehors du recours au système bancaire auquel elle n’a pas accès. 
     

12. Économie autarcique

A cause des sanctions, la Corée du Nord a développé une industrie propre. Et elle s’est étonnamment bien débrouillée. Car il était très important pour elle de conserver sa souveraineté et son indépendance. Et de ne pas être obligée de venir à la table de négociations en position de faiblesse, ayant été prise à la gorge par les sanctions. C’est ainsi qu’a été lancé le principe de la « confiance en soi ». Celui-ci est actuellement présent un peu partout. L’idée est de s’en sortir par ses propres moyens, quelles que soient les circonstances. L’essentiel de la population s’est mise au travail (c’est à cela qu’à pu servir l’approche « juche »). Et comme les Coréens – ceux du Nord comme ceux du Sud – des gens travailleurs, organisés et méticuleux, le résultat s’est trouvé au bout du chemin, quand bien même les chances initiales étaient faibles. Durant les premières années, la croissance du PNB, qui frôlait parfois les 10%, dépassait même celle de la Corée du Sud. Cela jusqu’à l’effondrement de l’Union Soviétique, où la tendance s’est inversée. Mais malgré tout, la RPDC a poursuivi sur la même voie. 

Les ingénieurs locaux se sont débrouillés pour fabriquer par leurs propres moyens les équipements militaires dont ils avaient besoin: assemblage local de MIG soviétiques, fabrication par leurs propres moyens de pièces d’artillerie, de chars d’assaut et de sous-marins. 

L’industrie lourde a aussi vu le développement d’applications civiles locales, telles que trains, camions, voitures, bateaux, industrie chimique, plastique, etc… La principale source d’énergie étant des centrales à charbon, assez disponible aux quatre coins du pays. 

Si dans un premier temps, la priorité a été mise sur les conglomérats militaires d’armement, ainsi que sur l’industrie lourde, peu à peu s’y sont adjoints celles de l’industrie légère, produisant notamment des biens de consommation. 

Et il faut dire qu’ils ont assez bien réussi. J’ai eu l’occasion de visiter trois fabriques et un centre artisanal rural. 

J’ai d’abord vu une fabrique-modèle de fabrication de lait de soya pour enfants. Elle produit 60 tonnes de lait par jour, de façon entièrement automatisée (équipement 100% nord-coréen). La fabrication est surveillée en salle de contrôle par un grand panneau mural électronique. Il n’y a personne là où sont installées les machines, pour éviter tout risque de contamination. En revanche, j’estime inutile l’automation des boilles de lait fermées (comme s’il s’agissait de jeter de la poudre aux yeux des visiteurs).

J’ai ensuite visité une filature de ver-à-soie et de textiles. C’est l’Etat qui fournit les vers à soie. En cinq heures, chaque ouvrière parvient à produire quelque 200 grammes de soie brute. Suit le bobinage et le chantier des métiers à tisser. Tout cela jusqu’à la couture et broderie automatique des produits terminés. Dans la halle des couvertures, c’est une machine qui procède aux broderies, l’opératrice étant derrière un ordinateur pour en vérifier le processus. On me montre aussi un atelier où l’on fabrique des serviettes hygiéniques pour femmes.

Troisième site visité: la fabrique de chaussures Nabonzin. Celle-ci a une certaine dimension symbolique: du temps de l’occupation japonaise, les Coréens marchaient pieds nus. Ces chaussures ne sont pas en cuir, mais en vinyle. On fabrique les semelles à base de caoutchouc et de plastique dans une grande presse. Puis une ouvrière parfait cette semelle en coupant les bouts qui dépassent. Dans une autre salle, des ouvrières s’occupent du dessus du soulier en plaçant celui-ci sur des moules pour lui donner sa forme. Des fours à infrarouge y contribuent. C’est un travail à la fois semi-automatique et semi-manuel. Cette usine produit des chaussures normales pour hommes et pour femmes, mais aussi à talons, avec des formes fantaisistes pour enfants, ou encore des chaussures de sport. Ils ont même un centre de design où ils conçoivent de nouveaux modèles. Cinq personnes y travaillent derrière des ordinateurs.

J’ai finalement visité un centre rural de transformation de produits agricole, à deux heures de Pyongyang. Et là aussi, les gens se débrouillent très bien avec les moyens du bord. Ils sont résilients et ingénieux. Rien de glamour, mais beaucoup de bon sens et le goût du travail bien fait. 

Tout cela engendre un assortiment abondant et varié de produits locaux. Contrairement à certaines idées reçues, de larges segments de la population en Corée du Nord – et pas seulement à Pyongyang – ont un assez grand choix au niveau des produits de consommation.

C’est pourquoi les Nord-Coréens sont assez fiers de leurs réalisations et ne sont pas pressés d’abandonner ce qui leur a réussi, en ouvrant toutefois progressivement leur économie, au cas où un jour les sanctions devaient en venir à s’assouplir.   
 

13. Subterfuges pour contourner les sanctions 

Ceci est l’autre face de la monnaie, moins louable. Je me suis demandé comment les Nord-Coréens parvenaient à financer leurs dépenses somptuaires en dépit des sanctions. Comment ils faisaient non seulement pour réaliser tout ce qui se passe à Pyongyang, mais aussi à moderniser leurs usines (car c’est bien le cas), construire la station de ski de Masikryyong (avec un hôtel parfaitement digne de cette catégorie et un téléphérique autrichien menant sur les hauteurs), et plus impressionnant encore, construire en moins de deux ans à partir de rien une station balnéaire de 18.000 lits. Comment y parvenir étant donné que les sanctions interdisent l’accès au système bancaire international? 

La vérité, c’est que je ne connais pas la réponse. Des éléments d’explications m’ont été soufflés discrètement par certaines personnes proches du dossier. Je n’ai bien évidemment rien pu en vérifier par moi-même. Mais les pistes indiquées, en plus des moyens conventionnels disponibles, sont les suivantes: 

Le pays exporterait discrètement des armes, en quantités assez substantielles, à certains autres pays, africains notamment. 

Il obtiendrait aussi des gains appréciables en se livrant à un trafic de drogue: soit en fonctionnant comme plaque tournante, soit en exportant de l’opium produit localement.  

La Corée du Nord est un des meilleurs producteurs au monde de faux dollars. Techniquement, il est très difficile de ne pas se tromper. Cela lui procure aussi cet oxygène si nécessaire à son développement. 

La RPDC a aussi un know how très particulier en matière d’érection de statues de grande taille, comme semblent l’apprécier les potentats de certains autres pays où se cultive le culte de la personnalité.

Finalement, comme la RPDC avait une dette envers la Russie, il a été convenu que la première enverrait des travailleurs très peu payés, pour éteindre la dette en question. Il est possible que cette pratique se soit étendue et que le pays mette à prix une main d’œuvre bon marché. 

Je ne suis pas en mesure d’affirmer cela de façon certaine, car je n’en ai pas la preuve. Mais il y a probablement une part de réalité dans ces hypothèses. 
 

14. Marteau, faucille et pinceau

Il existe une différence notable entre le Parti Communiste de l’Union Soviétique et le positionnement du Parti du Peuple Coréen: au marteau et à la faucille, le régime nord-coréen a adjoint le pinceau, symbole de la connaissance. 

Les professeurs, chercheurs et autres intellectuels sont très respectés. Dans l’idéologie initiale du marxisme, seuls les ouvriers et les paysans avaient le droit de tenir la dragée haute; mais en Russie aussi, les intellectuels se sont mis à jouer un rôle-clé. Et la RPDC l’a concrétisé. 

Le système nord-coréen fonctionne, un peu comme en Chine, sur une base de méritocratie. Ce n’est pas vrai que tout-le-monde est égal. En fonction des mérites des uns et des autres (notamment le savoir), ils vivent dans des quartiers réservés, obtiennent de plus beaux appartements que la moyenne et d’autres avantages.

Comme dans tous les autres pays communistes, l’éducation de base, secondaire et universitaire est gratuite. Mais en plus de ça, la Corée du Nord est remarquablement active en matière de formation continue, tant durant les heures de travail qu’en dehors de celles-ci. 

Un peu partout, je suis tombé sur des centres de formation continue à distance, et ceci à tous les niveaux. On me les a fait visiter dans chaque usine que je visite. Cela va au-delà de la simple opération de propagande. Il y a en Corée du Nord, comme dans d’autres pays asiatiques, une volonté délibérée d’accélérer l‘évolution vers une économie du savoir. 

Lorsque je visite l’usine textile par exemple, une bonne cinquantaine d’ouvrières sont en salle de cours, et non sur les lignes de production. Elles sont installées derrière des ordinateurs et suivent divers cours de perfectionnement. Elles peuvent dans une bonne mesure choisir ce qu’elles veulent apprendre. Et cela est bien réel. Le régime nord-coréen encourage l’apprentissage des connaissances et la formation continue. En ce sens, il a adopté une approche assez semblable à celle de la Suisse en matière de formation duale, à la fois pratique et théorique. Et bien sûr, plus elles étudieront, plus ces ouvrières auront des chances d’avancement. 

Cela peut aussi se faire, bien entendu, en dehors des heures de travail et l’accès au savoir est encouragé auprès de tous, en tous cas de tous ceux qui ont dépassé le seuil de pauvreté absolue. Un bon exemple en est le Palais des Études du Peuple, à savoir la bibliothèque nationale. C’est un gigantesque bâtiment de 22.000 m2, construit en 1982 sur l’impulsion de Kim Jong Il. Il se situe symboliquement au cœur même de la ville. Son rôle déclaré était de mettre la connaissance à la portée de chacun. Les dix étages de ce temple de la connaissance recèlent 30 millions de livres. Il y a 22 salles de lectures où chacun peut venir et s’instruire. Il est possible de faire des recherches dans toutes sortes de domaines, en entrant des mots-clés. 60% des ouvrages sont coréens, y compris certains très anciens. Mais l’effort principal est mis sur les sciences exactes. En plus des salles de lectures, ce Palais des Études du Peuple contient aussi 14 salles de conférences, où on peut venir s’instruire sur des sujets divers. C’est une sorte d’université populaire. J’y ai assisté à un cours collectif d’anglais, bruyant, mais apparemment assez efficace. Chaque élève est installé face à un écran d’ordinateur. Et le professeur passe parmi les rangs, non pour donner un cours classique, mais pour accompagner chaque élève dans sa propre progression.   
 

15. Gens normaux 

J’ai eu l’occasion d’aller me promener seul à la tombée du soir dans un quartier d’habitation populaire où vivent des gens qui sont probablement de la classe moyenne de Pyongyang. Voici mes impressions: « Je sors pour essayer de me mêler à la population et sentir à quoi ressemble la vie quotidienne. Je prends la grande avenue qui se trouve en face de la gare, puis passant sous une arche, je bifurque à droite, ensuite à gauche et ainsi de suite. Je suis entouré de très hauts immeubles, un  peu comme à New York, beaucoup d’entre eux sont en construction. Les gens vont et viennent, la plupart rentrent chez eux après le travail. Tout ce qu’il y a de plus normal. Des amies bavardent entre elles, des mamans se promènent avec des pousse-pousses. Je vois des gens détendus, pas des gens brimés ou anxieux. Bien sûr, ils sont surpris de voir un étranger, et de surcroît seul, dans ces parages. Le soir est en train de tomber. Certains peuvent se demander ce que je fais là et ils se méfient: un agent à la solde d’une puissance étrangère? J’imagine que j’ai été repéré et probablement suivi. N’empêche qu’on me laisse faire. J’entre dans un café. C’est bruyant et enfumé. Des hommes très nombreux s’y sont entassés pour boire de la bière. Ils n’en sont pas à leur première. Ils rigolent entre eux. J’aimerais aussi en commander une; mais on me fait signe que ce serait mieux que je m’en aille. J’obtempère bien entendu. Je continue ma promenade. Il y a le long de la rue des petits stands où on vend un peu de tout. Cela me fait penser à Varsovie aux temps de la fin du communisme. De même les magasins. Situés au rez-de-chaussée des immeubles, il s’agit le plus souvent d’une enfilade de pièces longeant la rue, offrant en même temps des produits alimentaires, des vêtements, des objets pour le ménage. Ce mélange des genres est caractéristique de ce qu’était le petit commerce dans les pays du bloc de l’Est. Là aussi, bien que les gens soient un peu surpris, ils restent gentils. Leur habillement est assez varié, avec ici une pointe de coquetterie. Les femmes ont souvent avec elles des ombrelles aux reflets dorés, à cause de la canicule. Les hommes portent parfois une sorte de complet à même le corps, sans chemise, ni cravate. Rien de la grisaille uniforme du monde communiste traditionnel. C’est ça la vie ordinaire; et je me sens bien, sans contrainte, parmi ces gens-là. Je termine mon escapade en allant manger dans un petit restaurant installé en sous-sol à l’arrière d’un magasin. Un écran plat diffuse des images de propagande du parti. On me laisse manger tranquillement. Puis je rentre par des rues assez sombres jusqu’à mon hôtel. Il est dix heures du soir. Des gens vont et viennent encore dans la rue. Il n’y a aucun problème de sécurité, j’ai beaucoup apprécié cette petite promenade, qui me laisse une impression de relative « normalité » des gens d’ici ».

Je suis aussi allé, accompagné cette fois, dans le marché pour Coréens d’un des quartiers périphériques de la ville. Il s’agit une grande halle grouillant de monde, de 150 mètres de long, avec une allée centrale et trois travées de chaque côté (soit sept au total). Au centre se trouvent les vêtements; sur l’aile gauche les articles de ménage et de quincaillerie; à droite les produits alimentaires. Le lieu est une copie conforme des marchés de l’ancienne Union Soviétique. En ceci, la Corée du Nord ressemble davantage à la Russie qu’à la Chine. Ce qui frappe le plus, c’est le nombre de vendeuses. Elles sont littéralement assises en rang d’oignon, au coude à coude. Il y en a trois à quatre fois trop par rapport aux réels besoins du commerce. A quoi servent-elles? C’est probablement une manière de les « caser », puisque elles font partie de la force de travail du pays. Beaucoup d’entre elles ont entre deux âges. Elles portent des blouses de travail dont la couleur varie selon la travée qui leur est attribuée. Quant à l’assortiment des produits disponibles, il est très large. Et cet endroit n’est absolument pas une vitrine pout montrer quoi que ce soit aux Occidentaux à des fins de propagande. Car c’est un marché populaire exclusivement pour Coréens. J’y fais quelques menus achats, dont un bracelet anti-moustiques. Les prix sont en général bas, mais leur niveau peut beaucoup varier entre certains articles. On m’explique qu’en fonction des mérites accumulés, certains travailleurs peuvent obtenir des rabais conséquents de 50% ou même davantage sur certains produits. On passe aussi par les étals alimentaires: viande rouge, poulets, poissons, tortues, légumes, fruits, graines – tout cela fait bonne impression. A noter encore que ce marché, contrairement à ce qui se passe un peu partout ailleurs, n’ouvre pas ses portes tôt le matin, mais à partir de quatre heures de l’après-midi.

Même impression d’un assortiment abondant et varié de produits locaux dans un supermarché pour Coréens. Contrairement à certaines idées reçues, de larges segments de la population en Corée du Nord – et pas seulement à Pyongyang – ont un assez grand choix au niveau des produits de consommation. Je constate par ailleurs la présence d’assez nombreux produits importés, essentiellement en provenance de Russie et de Chine, ceci en dépit de l’embargo. 

Que ce soit dans les supermarchés, au marché populaire public ou dans les épiceries de quartier, partout l’approvisionnement était assez abondant et varié. Quant aux prix, ils n’étaient pas excessifs (en équivalent CHF) : 

Algues séchées: 0.40 CHF

Paquet de cigarettes locales: 0.70 CHF

Paquet de gaufrettes locales: 1.20 CHF 

Poisson en boîte de conserve: 1.50 CHF

Viande bœuf en boîte de conserve: 2.10 CHF

Quant aux produits non-alimentaires, j’ai là encore été surpris par la variété des assortiments. Je me suis retrouvé face à une grande variété de choix au rayon confection, tant dames que messieurs. Un hangbok traditionnel coûte environ 75 US$. Et un complet nord-coréen pour hommes à peu près autant. Une montre Tissot (évidemment pas d’origine) se vend à 80 US$. Le rayon jouets offre une profusion de ceux-ci, tous d’origine nationale. De même pour les appareils électroménagers, les postes de télévisions à écran plat, les portables (mais quand même moins nombreux qu’ailleurs en Asie), les objets usuels de la vie quotidienne, etc. 

J’ai même fait une expérience un peu à mes dépens. Il m’a fallu prendre des antibiotiques. Et bien, je peux certifier que les produits pharmaceutiques nord-coréens m’ont remis d’aplomb! Ce n’est donc pas vrai que la Corée du Nord manque de tout. Ça a certainement été le cas dans le passé; et c’est probablement encore le cas pour une grande partie de la population rurale. Mais les choses ont évolué. Une classe moyenne urbaine est en train d’émerger. Celle-ci, qui ne se limite pas aux dirigeants du Parti, est en croissance. Et elle est loin de manquer de tout.  
 

16. Évolution perceptible 

Le passé de la Corée du Nord est à l’évidence empreint des pires stigmates du marxisme-léninisme. Et probablement une bonne partie de cela est-il encore de mise aujourd’hui. Mais on peut percevoir une réelle évolution au cours du passé récent. Ce que j’ai pu observer (et photographier) diffère de ce que disent ceux qui s’y sont rendus en Corée du Nord il y a quelques années. J’ai pu constater l’émergence d’une classe moyenne vivant assez bien – et pas seulement à Pyongyang -, en contraste avec la misère dans laquelle se trouve encore probablement une majorité de la population. L’économie locale se développe plutôt bien en dépit des sanctions. Et des investissements importants se réalisent (routes, complexe touristique de Wonsan-Kalma). La RPDC avance résolument en direction d’une économie du savoir. Certes, le système est encore dictatorial, avec un fort culte de la personnalité et les Droits de l’Homme y sont plus que rudimentaires. L’effort militaire reste prioritaire, mais le développement économique remonte en importance dans l’ordre des priorités.

Le rôle de Kim Jong Un peut s’avérer essentiel dans la conduite de ce processus évolutif. En tant qu’héritier du système, il lui sera difficile d’accepter une ouverture trop rapide. Car celle-ci peut s’avérer dévastatrice pour le pouvoir en place. Il y a certes la question de l’arme nucléaire, de la réduction progressive des dépenses militaires et du processus de paix avec la Corée du Sud, qui passe par un accord simultané avec les Américains. Mais il y a aussi celle de l’évolution interne de la société nord-coréenne, de son ouverture. Et là, le rôle du Président s’avérera essentiel. 

Il existe une petite chance – à mon avis encore ténue – que le processus de paix, de dénucléarisation et de réunification de la Corée puisse avoir lieu. Mais pour y parvenir, il faut qu’existe un minimum de confiance réciproque. Il est nécessaire, d’un côté comme de l’autre, d’aller au delà des préjugés naturels de chacun. Tant que la République Populaire de Corée se repliera sur une idéologie d’Occident agresseur, de préférence à une économie autarcique et planifiée, et d’absence de transparence quant aux Droits de l’Homme, ce ne sera guère possible. De même, si le monde occidental s’arque-boute sur une vision de « pire pays de monde » ou de « prison à ciel ouvert » sans vouloir accepter qu’il puisse y avoir aussi des aspects positifs dans ce qui se passe en Corée du Nord, ce ne sera guère mieux. Chacun des deux camps devrait éviter une approche par trop idéologique et essayer de comprendre ce que pense et ressent l’autre camp. Comme l’ont fait jadis les Sud-Africains. Il faut absolument essayer, d’un côté comme de l’autre, d’analyser la situation dans toute sa complexité et aller au-delà des liches et des idées préconçues. Cela constitue une condition sine que non du succès d’une éventuelle sortie de crise. C’est d’ailleurs ce que j’ai dit à Monsieur Ri Suyong, Vice-Président du Comité Central du Parti Communiste et Président de la Commission des Affaires Étrangères de l’Assemblée Populaire Suprême.  

Une telle transition serait essentielle pour la paix du monde: à la fois pour la transformation d’un régime potentiellement dangereux et qui n’est semble-t-il pas à bout de souffle, pour le processus de dénucléarisation régionale, la réconciliation entre Corée du Nord et du Sud, et les implications respectives de la Chine et des USA. La Suisse, jouissant de la confiance des principaux acteurs en présence, pourrait jouer un rôle utile pour accompagner ce processus. D’autres pays (notamment de l’ex Bloc Soviétique, en qui la RPDC a encore confiance) pourrait l’accompagner pour une telle mission, pour autant bien sûr que l’ensemble des protagonistes le souhaite. 

Un éventuel accord devrait porter, à mon sens, simultanément sur les volets suivants: 

  • Démantèlement par la Corée du Nord de ses sites de recherche, de production et de lancement de missiles balistiques, ceci pouvant être ouvertement vérifié par des experts internationaux. 
  • Renonciation par la Corée du Nord à ses activités occultes liées à des trafics illégaux (ceci pour contourner les sanctions).
  • Mise sur pied d’institutions de type fédéral en vue d’une Corée réunifiée, maintenant les caractéristiques propres à chaque système, dans une certaine mesure et pour une période de transition.
  • Allègement, puis levée des sanctions.  

Claude Béglé

 

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Merci ! Après deux ans au Conseil national…

… Je voudrais chaleureusement remercier les Vaudoises et Vaudois qui m'ont soutenu. J'ai essayé d'honorer la confiance accordée par un travail consciencieux et, j'espère, utile.

Sur la septentaine d'interventions parlementaires que j’ai déposées, treize ont été approuvées par le Conseil fédéral et deux d’entre elles ont même été définitivement adoptées par le Parlement. Je suis monté une vingtaine de fois à la tribune du Conseil national en tant que rapporteur, tantôt pour défendre le point de vue de la Commission ou celui du PDC, ou encore le mien.

En tant que membre de la commission de politique étrangère, je me suis fortement engagé sur les problématiques internationales : bons offices pour la promotion de la paix, coopération internationale, action humanitaire, accords sur le climat. Je me suis penché sur l'épineuse question migratoire depuis les pays d'origine jusque chez nous en Suisse. Question qui affecte aussi la politique européenne de la Suisse : je suis un partisan convaincu des accords bilatéraux.

Afin d’approfondir ma réflexion, j'ai été en immersion plusieurs jours au Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) et à la Direction du développement et de la coopération (DDC). J'ai participé à des réunions de la Banque mondiale et du FMI à Washington, de l'ONU à New York et de l'OCDE à Paris. Et j’ai effectué des voyages d’étude parlementaires sur le terrain (autofinancés) : Érythrée, Turquie, Colombie, Corée, Niger, Inde, Népal. J’ai été en Arménie et en Géorgie  en tant qu’observateur des élections dans le cadre de l’OSCE. Et j’ai pu accompagner certains de nos Conseillers fédéraux en Israël, en Iran, en Arabie, en Indonésie et à Singapour.

La digitalisation est mon autre grand cheval de bataille : évolution d'internet, cybersécurité, blockchain, Internet des objets… Tout cela va révolutionner nos vies. Comment s'assurer que l’essor du numérique soit au service de l'humain et non l’inverse ? J'ai développé une vingtaine d'interventions parlementaires à ce sujet.

Ma sensibilité m’a aussi porté à me mobiliser pour nos valeurs humanistes, la situation des seniors, la flexibilisation de l'âge de la retraite, la formation professionnelle, le coût de la santé.

J'ai beaucoup de plaisir à exécuter le mandat qui m'a été confié. J’y mets toute mon énergie (une quinzaine de pays visités cette année), toute mon expérience et ma conscience. De tout cœur, merci de m'avoir ainsi permis de servir notre pays.

Claude Béglé, Conseiller national
 

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Rapport de la Commission de politique étrangère

Rapport de la Commission de politique étrangère sur La convention des Nations Unies sur la transparence dans l’arbitrage, entre investisseurs et Etats, fondé sur des traités.
27 septembre 2016

L’objet sur lequel nous allons voter, la Convention des Nations-Unies sur la transparence dans l'arbitrage entre investisseurs et Etat, ceci sur la base de traités de protection des investissement,  est très juridique. De quoi parlons-nous ? 

A l’heure de la globalisation, investir à l’étranger est devenu chose courante. Parallèlement, le nombre de litiges entre un Etat et un investisseur étranger n’a cessé d’augmenter. Mais dès lors que les deux parties sont de nationalité différente, que l'une est un Etat et l'autre le plus souvent une entité privée, qui peut trancher ? Bien souvent, la solution retenue est celle d’une procédure d’arbitrage.

Fréquemment, ces procédures sont confidentielles : la procédure se déroule à huis clos, les sentences ne sont pas publiées, les compromis restent secrets. Or cette justice rendue de manière confidentielle pose problème. 

Cette confidentialité ne permet pas de garantir la sécurité du droit. Qui peut en effet vérifier si la solution au litige respecte le droit ? 

Il peut aussi arriver que cette confidentialité jette un doute sur la bonne foi des parties. Car personne ne sait pourquoi l’un a perdu et l’autre a eu gain de cause. 

C’est pourquoi la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international a lancé une réflexion sur la transparence de ces arbitrages, laquelle a abouti, fin 2014, à un règlement. 

Il s’agit maintenant d’étendre celui-ci aux accords existants d’investissement bilatéraux. 

Chaque pays est invité à signer, puis à ratifier cet accord. La Suisse l’a pour sa part signé de 27 mars 2015. Le Conseil fédéral, dans son Message du 20 avril 2016, nous propose aujourd’hui d’approuver cette Convention.

1. Cette Convention internationale sur la transparence des arbitrages mérite d’être ratifiée, car elle est importante. Pourquoi ?  

1.1 C’est, tout d’abord, la première fois que la communauté internationale s’accorde sur un nouveau standard, qui de surcroît est un standard-clé. 

Cette Convention s'appuie sur une conviction partagée: l'importance de la transparence. Cela permettra d'inscrire la transparence comme un fil rouge au travers de toutes les négociations à venir et donc des futurs traités internationaux impliquant un arbitrage.

1.2 Les milieux économiques ne s’y sont pas trompés et le soutiennent aussi.

Des représentants de l’économie ont en effet pu assister aux travaux d’élaboration de la Convention et ont pu défendre leur point de vue. Ce standard de transparence augmente la sécurité du droit et donc la solidité de l’activité économique au plan international.

1.3 Pour la Suisse, cette Convention est importante à plusieurs titres. 

Au plan économique, elle touche tous les accords conclus par la Suisse et qui  contiennent un mécanisme d’arbitrage. 

Il s’agit : 

– de 92 accords bilatéraux d’investissement, 

– et d'accords de libre-échange, notamment avec le Japon, Singapour et la Corée du Sud. 

Il touchera par ailleurs automatiquement tous les nouveaux accords, comme celui conclu récemment avec la Géorgie. 

Au plan international, pour la Suisse, c’est un succès diplomatique et d'estime, une manifestation de l'influence de notre diplomatie, puisque notre pays a participé activement à l’élaboration de cette Convention.

Enfin, cette Convention incarne ce souci qu’a la Suisse de promouvoir des valeurs d’avenir. C’est pourquoi il serait bon que notre pays continue à montrer l’exemple et soit parmi les premiers à ratifier cette Convention, déjà signée par 16 pays. 

1.4 Enfin, cette Convention bénéficie clairement du soutien des Etats-Unis.

Qui ont activement participé une élaboration pointue de cet accord en mettant à disposition leur longue expérience dans ce domaine. Ils ont, soit dit en passant, déjà signé la Convention. 
 

 

2. Certes, certains souligneront que cette Convention a nécessité beaucoup de concessions de part et d'autre. Elle est le fruit d'un compromis laborieux, d'où certaines dispositions un peu faibles. Mais globalement, le droit s’en trouve quand même renforcé. 

2.1 Cette convention contient des possibilités de réserve qui peuvent en limiter la portée. 

Ces réserves proviennent d'une concession qui a été faite aux Etats critiques à propos de la transparence d’un arbitrage. Celle-ci peut être restreinte au nom de certains intérêts commerciaux méritant protection. Ce point a été difficile à surmonter. 

En effet, certains pays ont refusé toute forme de transparence en ce qui concerne des sujets tels que le secret défense ou les pratiques en matière de poursuites pénales… La parade a été d’introduire dans la Convention des possibilités de réserve assez importantes. Si le résultat de ce compromis laisse à désirer, il permet au moins à cette Convention d’exister. 
 

 

2.2 Globalement, on peut toutefois affirmer que le doit s’en trouve clairement renforcé

La Convention règle le droit de réserve, mais aussi tout ce qui doit être rendu public dans la procédure d’arbitrage : information au moment de l’ouverture de la procédure arbitrale, publication de documents, observation par des tiers, publicité de l’audience.

2.3 Rappelons enfin qu’un garde-fou existe et qu’il ne sera pas aisé de contourner ces obligations de transparence

On pourrait en effet craindre que certains pays signent la Convention, mais abusent par la suite des possibilités de réserve pour contourner de facto cette obligation de transparence. Heureusement, le Traité international de Vienne sur le droit des contrats étatiques pose une limite claire : un accord ne peut pas contenir de réserves qui iraient jusqu’à remettre en cause la substance et le sens même de l’accord.  
 

3. En approuvant cette nouvelle Convention internationale, on peut aussi se demander dans quelle mesure il ne s’agirait pas là d’une nouvelle ingérence de juges étrangers ? 

3.1 On l’a vu, cette Convention concerne des arbitrages qui sont effectivement des procédures indépendantes du droit habituel du pays en question. 

 Mais ce sont des procédures extrêmement répandues puisqu’il existe actuellement 3000 accords d’investissement bilatéraux dans le monde incluant un mécanisme d’arbitrage. La chose n’est donc pas nouvelle.

3.2 Ce dont nous parlons cette Convention, c’est de la transparence de ces procédures arbitrales : 

Il s’agit de faire en sorte que ces procédures deviennent publiques afin que l’opinion sache pourquoi une entreprise gagne ou perd. 

Cela concerne entre 40 et 50 procédures par an à travers le monde. Au total, une centaine de procédures sont actuellement en cours. 

Ajoutons que 60% des litiges impliquent des pays en développement. 

Ces chiffres montrent bien l’utilité d’une telle Convention internationale sur la transparence. 

3.3 On peut donc réaffirmer que c’est une Convention importante pour la Suisse

Car, plus grand sera le nombre de pays ayant signé cette Convention, plus les entreprises suisses bénéficieront de cette nouvelle sécurité du droit dans leurs activités internationales. 

A l’inverse, la Suisse, en tant que pays développé, accorde ce qu’il faut de protection aux investisseurs étrangers. S’il n’est pas exclu qu’elle se retrouve, un jour, devant un tribunal arbitral, les risques pour elle sont plutôt faibles. 
 

Conclusion : 

Nous vous recommandons de suivre le vote de la Commission de Politique extérieure, qui s’est prononcée par 21 voix pour, aucune contre et deux abstentions en faveur de cette Convention.

Claude Béglé, Conseiller national

 

Mettre en place une gouvernance du numérique

Postulat au Conseil National

Le Conseil fédéral est invité à créer un Conseil Interdisciplinaire Indépendant du Numérique, constitué d'experts, éventuellement bénévoles, issus de la société civile.

Aujourd'hui, le numérique impacte tous les domaines de l'économie et de la société. De même, les évolutions numériques traversent l'ensemble des départements de l'administration fédérale. Une vision transversale et d'ensemble est désormais indispensable pour coordonner les politiques publiques s'adressant à une société devenue participative, dématérialisée et orientée services. C'est pourquoi un instrument de pilotage global, garant de cohérence, s'impose.

La Suisse accuse aujourd'hui un retard considérable en la matière par rapport à de nombreux pays comme la France qui s'est dotée d'un tel instrument. Ce retard n'est pas en termes de technologies ou d'infrastructures, mais en termes d'usages. Il est donc urgent de combler ce retard.

Un Conseil Interdisciplinaire Indépendant du Numérique serait un groupe de compétence, agile et réactif, dont les membres seraient éventuellement bénévoles, afin de ne pas créer une nouvelle structure lourde et coûteuse.

Il serait composé de 15 à 25 experts indépendants provenant d'horizons différents : politique, économique, scientifique etc.

Il aurait pour mission de formuler de manière indépendante et de rendre publics des avis et des recommandations sur toute question relative à l'impact du numérique sur la société et l'économie. À cette fin, il organise des concertations, au niveau national et cantonal, avec les élus, la société civile, le milieu académique et le monde économique. Il peut être consulté par le gouvernement sur tout projet de disposition législative ou réglementaire, d'investissement, de formation, de défense, etc. ayant des enjeux numériques.

Il aurait un rôle stratégique de veille, d'analyse, de synthèse, de prospective.

Il aurait aussi pour tâche d'organiser l'élaboration d'un agenda numérique pour assurer la transition numérique de la Suisse.

Afin d'atteindre cet objectif dans les meilleures conditions, le Conseil devrait s'appuyer sur des plateformes participatives afin de permettre le débat et le recueil d'idées originales.

Claude Béglé

Renforcer nos PME innovantes en les incitant à s'internationaliser

Postulat au Conseil National

Il est demandé au Conseil fédéral de proposer un ensemble de mesures ponctuelles pour aider les PME à mieux faire face à la conjoncture défavorable, en particulier aux effets du franc fort. Ces mesures s'adresseraient en particulier aux PME produisant des biens et services innovants à vocation internationale. Elles pourraient comporter:

1. Un accompagnement pro-actif de nos PME et start-ups pour les aider à prendre pied à l'étranger. Au lieu de se plaindre des effets de la globalisation, aidons nos PME à rester compétitives en facilitant leur internationalisation. N'ayons pas peur de les inciter à s'implanter à l'étranger pour qu'elles y produisent à coûts réduits et y diversifient leurs risques. Le coeur de l'activité, avec la plus forte valeur ajoutée, pourra ainsi être pérennisé et renforcé chez nous. Une telle tâche pourrait faire partie du mandat de Swiss Global Enterprise ou d'une autre organisation similaire.

2. Une adaptation du système de « loss carry forward » permettrait de limiter les délocalisations en offrant aux actionnaires une forte motivation à rester en Suisse. Cela permettrait aussi de stimuler des investissements même en période de crise.

3. Une promotion d'un outil innovant, le « Cost Differential Frontier » développé à l'UNIL, permettrait d'évaluer les coûts cachés d'une délocalisation et d'optimiser celle-ci.

4. Une forme d'extension du chômage technique : les postes qui ne seraient pas délocalisés verraient le différentiel (salaire suisse moins salaire délocalisé) pris en charge pendant cinq ans, les employés continuant bien sûr à travailler.

Les grandes entreprises ont dans l'ensemble été moins impactées par la crise du franc fort. Du fait de leur forte présence internationale, elles jouissent déjà d'une bien meilleure répartition des risques et d'une bonne optimisation des coûts. Il serait bon d'aider nos PME innovantes à en faire de même, en les accompagnant dans ce processus, peu familier pour nombre d'entre elles.

Une étape cruciale et délicate, car nécessitant des capitaux et de l'expérience, est par exemple le « saut » commercial à l'international.

Ce soutien pourrait se faire sur le modèle de l'organisation I.E. à Singapour.

D'autres mesures pourraient être prises en Suisse même pour réduire l'écart entre nos coûts domestiques élevés et les marchés d'exportation.


Claude Béglé

Lutter contre l'âgisme pour favoriser l'emploi des seniors

Postulat au Conseil National
17.03.2016

Le Conseil fédéral est chargé de présenter un rapport sur le phénomène de l'âgisme en Suisse et de proposer des solutions pour lutter contre.

L'âgisme discrimine les personnes par des stéréotypes liés à leur âge. Dans le monde du travail, les stéréotypes portent par exemple sur une baisse supposée, à partir de 50 ans, de la flexibilité, de la créativité, de l'esprit d'initiative, de l'ambition. Du côté de l'employeur, cela peut conduire à une réticence à l'embauche des seniors, à leur exclusion des programmes de formation, à une incitation à la pré-retraite. Du côté de l'employé, tes remarques liées à l'âgisme peuvent fragiliser l'estime de soi et aboutir à un désengagement professionnel.

L'âgisme a un coût qu'il serait intéressant d'évaluer : les entreprises se privent de l'engagement et de la reconnaissance des travailleurs les plus expérimentés, il pousse à la retraite certaines personnes qui ont encore beaucoup à offrir, il pèse sur le système de chômage et d'aide sociale, il pénalise les secteurs en pénurie de main d'oeuvre.

Plusieurs solutions seraient à étudier : création d'un observatoire de l'âglsme en Suisse, campagne de sensibilisation auprès des entreprises, promotion de la mixité générationnelle au travail, lissage des cotisations de retraite, système de prévoyance ne pénalisant pas ceux qui veulent travailler au-delà de 70 ans, renforcement des mesures existantes pour la réintégration des chômeurs seniors au marché du travail.

La population des travailleurs seniors ne constitue plus un groupe homogène évoluant de façon linéaire avec l'âge. Nombreux sont les seniors qui ont encore beaucoup à offrir. C'est pourquoi nous devons changer notre regard sur cette catégorie de personnes.

Agir contre l'âgisme permettrait :

  • d'anticiper la hausse massive des départs à la retraite à partir de 2020 alors que le nombre d'entrants sur le marché du travail restera stable
  • de lutter contre le chômage des plus de 50 ans qui croît plus vite que la moyenne. Cette catégorie représente aussi plus de 40% des chômeurs longue durée
  • de répondre à la pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs. Pour rappel, le Secrétariat à l'économie avait estimé à 96 000 personnes le potentiel inexploité de travailleurs indigènes de plus de 55 ans
  • de consolider la société et les finances publiques grâce à des seniors actifs, intégrés sur le marché du travail

Claude Béglé

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Rapport de la CPE sur 40 ans d’adhésion de la Suisse à la Convention européenne des droits de l’homme

14 mars 2016

Le 28 novembre 1974, la Suisse ratifiait la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'Homme. Née en 1950, sur les ruines de la 2ème guerre mondiale, cette Convention fixait des exigences minimales pour l'Europe en matière de droits fondamentaux, de sécurité et de libertés individuelles, des valeurs garantes de paix et de démocratie.

Le système de la Convention repose sur 47 pays et une institution clé qui est la Cour européenne des droits de l'Homme siégeant à Strasbourg.

La Convention européenne des droits de l'Homme a acquis une influence majeure. Certains se réjouissent des effets révolutionnaires et bénéfiques sur l'ordre juridique des pays européens. D'autres déplorent l'emprise de la Cour européenne des droits de l'Homme sur l'ordre juridique national et se demandent si la Suisse ne devrait pas s'en retirer.

1. Depuis sa création, en 1950, la Convention européenne des droits de l'Homme est devenue un système incontournable de protection des droits humains.

Plusieurs points forts caractérisent ce système, le premier étant sa capacité à évoluer avec la société. Au fil des années, le catalogue de droits a été élargi, les compétences de la CEDH ont été étendues.

La Convention est, d'autre part, bien plus qu'un traité multilatéral, car elle repose sur un fonctionnement très démocratique. Chacun des 800 millions de citoyens des pays signataires peut recourir contre un des États membres, les décisions s'appliquant à tous.

Enfin, le principe de ·subsidiarité démultiplie l'impact de la Convention en confiant aux Etats membres l'énorme travail d'application des droits de l'homme. La Cour n'intervient que sur demande et une fois les voies juridiques nationales épuisées.

C'est ainsi que la CEDH est devenue la pierre angulaire d'une communauté européenne de valeurs fondamentales.

Et même si certains estiment qu'une démocratie est en mesure de garantir seule ses libertés fondamentales, il ne faut pas s'offusquer de prendre son inspiration ailleurs, ces droits de l'Homme étant universels.

2. L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme se mesure aussi à ses effets bénéfiques sur le système juridique suisse.

2.1 Là, il nous faut mentionner l'impact conséquent de la CEDH sur le catalogue des droits fondamentaux de notre Constitution actuelle, ainsi que d'autres évolutions juridiques, par exemple en termes de patronyme des personnes mariées, d'écoutes téléphoniques ou des règles de détention.

2.2 La CEDH met parfois le doigt sur un sujet délicat. C'est l'occasion d'une réflexion salutaire qui n'épargne aucun pays. Ainsi, la Cour a soulevé la question du droit de vote des prisonniers en Grande Bretagne, du problème des enfants placés en Suède, des aspects discriminatoires du droit de la famille en Autriche.

2.3 Soulignons aussi que la Suisse s'en sort plutôt bien. Sur 6'240 plaintes en 40 ans, seules 104 ont abouti à une condamnation. C'est le signe réjouissant qu'il y a peu de lacunes dans notre système juridique. A contrario, 50% des plaignants s'attaquent à la Turquie, l'Italie, la Russie, la Pologne et la Roumanie.

3. Le caractère contraignant de la Convention des droits de l'Homme suscite souvent des critiques.

3.1 On reproche surtout à la Convention d'empiéter sur la souveraineté nationale. Très tôt, le Tribunal fédéral a en effet a tenu compte de la Convention. Les arrêts de la Cour l'emportant sur le droit national, certains y voient une sorte de "tribunal de quatrième instance".

3.2 Une autre critique porte sur le caractère évolutif de la Convention. A vouloir toujours être en phase avec la société, cet« instrument vivant » est parfois en avance sur les législations nationales. Le cas s'est posé pour la Suisse avec l'arrêt Emonet & autres quant à l'adoption de l'enfant d'un concubin, mais aussi en matière de nom des époux, d'assistance au suicide, de non-renouvellement d'autorisations à des étrangers.

3.3 La CEDH n'a rien de constitutionnel. Elle se cantonne à contrôler la conformité à la Convention et statue toujours sur des cas concrets. Cela dit, il n'est pas exclu qu'une initiative populaire soit condamnée par la Cour. Le cas ne s'est pas encore posé en Suisse, mais la Cour pourrait par exemple être saisie de celle sur l'interdiction des minarets.

3.4 A cela s'ajoute d'autres problèmes concernant la nature des arrêts rendus. La Cour accepte de considérer des faits postérieurs au jugement national, au risque de décrédibiliser les décisions nationales. Un tel procédé risque d'accroître l'insécurité du droit et est peu compatible avec le principe de subsidiarité.

3.5 Une autre grande critique formulée contre la CEDH est l'extension de son champ d'action, ce qui multiplie les interférences avec les instances nationales.

3.6 Une solution à ces problèmes est en vue avec l'instauration d'une subsidiarité à double sens. Les États membres continuent d'avoir pour tâche de veiller au respect de la Convention. La nouveauté étant qu'ils jouiront d'une marge d'appréciation mieux définie et respectée par la Cour.

3.7 Dans la pratique, il est à noter la Cour fait déjà preuve d'une certaine retenue pour des sujets non tranchés. La Cour n'est ainsi par intervenue dans la polémique sur le crucifix en Italie, ni lorsque la France a prohibé la burka, ni lorsque le canton de Genève a interdit à une enseignante d'exercer avec un foulard.

4. Un vrai problème de la Convention eurooéenne des droits de l'Homme est sa lourdeur administrative.

4.1 La CEDH a été sollicitée environ 650 000 fois depuis sa création. Elle rend près de 1000 arrêts par an. Cela génère des frais de fonctionnement importants et l'empêche de fournir une justification en cas d'irrecevabilité.

4.2 Les délais de traitement sont également beaucoup trop longs. Ainsi une requête suisse devra attendre plus de quatre ans et demi avant d'être jugée.

5. Ces critiques conduisent certains à vouloir dénoncer la Convention. ce que le Conseil fédéral refuse.

5.1 Un retrait serait en en contradiction avec l'image de la Suisse qui a toujours été pionnière en matière de droits de l'homme. Il en résulterait une forme d'isolement dans la politique extérieure de la Suisse. Enfin, notre pays serait privé des évolutions positives de la Convention et d'un accès à une institution internationale dynamique. A noter qu'un seul pays -la Grèce- a dénoncé la Convention, pour y ré-adhérer d'ailleurs par la suite.

5.2 L'impact serait également négatif pour la Convention des droits de l'Homme ellemême, car elle se retrouverait avec un « trout » au milieu de l'Europe.

5.3 D'autre part, il serait difficile de dénoncer la Convention sans sortir du Conseil de l'Europe. De plus, une ré-adhésion ultérieure risquerait de se faire selon des conditions plus contraignantes. En fin de compte, nous n'aurions pratiquement rien à y gagner. Les acquis intégrés depuis l'adhésion demeureraient. Et à peu près les mêmes obligations sont désormais inscrites dans le Pacte de l'ONU, auquel nous avons souscrit, et qui n'est
pas renégociable. Ce serait donc peine perdue.

5.4 En revanche, la Suisse a potentiellement beaucoup à gagner en jouant pleinement son rôle au sein de la CEDH. Son influence peut croître (il y a déjà eu une longue période de présidence suisse) et cela poussera certains États – dont notre voisin italien, mais surtout les pays de l'Est et la Turquie – à améliorer leur façon d'agir.

6. Pour ce qui est de l'avenir de la Convention. des garanties se mettent en place.

6.1 L'adhésion de l'Union européenne à la Convention des droits de l'homme étant à l'étude, certains craignent qu'elle se fasse au détriment des pays non membre de l'Union européenne. Actuellement, aucun signe ne conforte cette crainte.

6.2 Nous avons vu que le principe de subsidiarité va être renforcé pour un meilleur respect des décisions nationales. C'est une garantie très importante pour le
fonctionnement futur de la Convention. Il est porté par le protocole 15, qui a été approuvé par le Conseil national et le Conseil des Etats.

Enfin, certains se demandent si la Convention des droits de L'homme peut apporter des réponses à La crise des réfugiés. La question est ouverte.

Pour conclure, il serait dommage de se retirer de La Convention européenne des droits de L'homme. Mieux vaut au contraire ancrer cette institution au coeur du système de valeurs faisant notre identité et notre force.

On constate aussi que cette thématique est mal connue et mérite plus de visibilité. D'où ce débat devant le Conseil national.

Claude Béglé

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Les Suisses du Pays et de l’Étranger

Rencontres très intéressantes au 93e Congrès des Suisses de l'Étranger à Genève (14-16 août 2015). L'occasion de mettre en avant le PDC International avec l'intervention de mon ami Raymond Loretan, candidat PDC au Conseil des États du canton de Genève.

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Discours du 1er août 2015

Avec un lac pareil, quel pays magnifique et quel privilège que celui de pouvoir vivre ici… même quand il pleut et qu'une couche de grisaille succède aux ardeurs de la canicule. Nous ne nous rendons trop souvent pas assez compte de ce que ce privilège a d'extraordinaire. Pris dans le flux de la vie active, cela finit par nous paraître normal, presque dû. Nous perdons à la longue notre capacité d'émerveillement, et c'est bien dommage. Car ce Jardin d'Eden où il nous est donné de couler des jours paisibles est aussi beau qu'extra-ordinaire. Il est en effet rare de retrouver ailleurs un écosystème aussi fertile, une telle abondance, un microcosme comme le nôtre.

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