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Discours du 1er août 2015

Avec un lac pareil, quel pays magnifique et quel privilège que celui de pouvoir vivre ici… même quand il pleut et qu'une couche de grisaille succède aux ardeurs de la canicule. Nous ne nous rendons trop souvent pas assez compte de ce que ce privilège a d'extraordinaire. Pris dans le flux de la vie active, cela finit par nous paraître normal, presque dû. Nous perdons à la longue notre capacité d'émerveillement, et c'est bien dommage. Car ce Jardin d'Eden où il nous est donné de couler des jours paisibles est aussi beau qu'extra-ordinaire. Il est en effet rare de retrouver ailleurs un écosystème aussi fertile, une telle abondance, un microcosme comme le nôtre.

Qu'est-ce qui nous différencie ? Ce ne sont en tout cas pas nos richesses naturelles, sauf peut-être l'eau et l'agrément de nos paysages. Il s'agit essentiellement de trois choses. L'une est la paix qui règne ici, la stabilité de nos institutions, le partage des pouvoirs, le respect d'autrui, le maillage de notre tissu social et la vitalité de notre démocratie directe. La deuxième provient d'une économie prospère, qui a su passer sans trop coup férir au travers des crises de ces dernières années, y compris semble-t-il celle du franc fort. Cela provient essentiellement de la capacité de nos entreprises à s'adapter, de la chaîne enseignement-recherche-innovations-développement-startups-PME. Certes, il y a eu quelques accrocs, dans le domaine bancaire notamment ; mais dans l'ensemble, nous pouvons nous considérer comme des privilégiés. Et troisièmement, notre pays bénéficie de son attitude à concilier tradition et ouverture. Nous pouvons être reconnaissants et fiers de ce que nous ont légué nos ancêtres. Il est justifié qu'on ressente une certaine fierté en ce jour de fête nationale eu égard à notre patrie et aux valeurs qu'elle incarne. En même temps, nous avons énormément bénéficié de la capacité de notre pays à s'adapter avec pragmatisme à la réalité des autres pays du monde. Sans guerres coloniales, sans fatras, sans faire de bruit. Discrètement, mais avec efficacité.

La Suisse doit rester ouverte au monde. Elle vit de l'exportation de produits à haute valeur ajoutée et de l'implantation à l'étranger de ses entreprises. Elle aurait de la peine à maintenir son niveau de prospérité si d'aventure elle se coupait de l'Europe. Et d'ailleurs, même si environ deux-tiers de nos échanges se font avec nos voisins européens, il ne faut pas pour autant en oublier le reste du monde. Une grande partie de notre succès et de notre réputation provient de ces pays-tiers. La Suisse prospère sur le terreau d'une recherche de pointe et de son sens du travail bien fait à tous les échelons de la hiérarchie, de l'ingénieur à l'apprenti. Ses sociétés ont pour vocation de poursuivre leurs efforts de qualité helvétique même lorsqu'elles opèrent à l'étranger. D'où le besoin de bien comprendre ces autres mentalités et leur faire partager nos valeurs. Il en va de même pour les étrangers venus s'installer ici, pour y étudier ou y travailler. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l'immigration est source de richesse pour la Suisse. Certes, celle-ci bouscule un peu nos habitudes et représente une charge supplémentaire pour nos infrastructures. Et il est essentiel que ceux qui viennent ici se soumettent sans arrière-pensée ni restriction à nos lois, et qu'ils ne cherchent pas à abuser de notre confortable filet social. Cela étant, nous avons besoin d'eux autant qu'eux ont besoin de nous.

Il y a certes une analyse fine à faire et quelques précautions à prendre. Un exemple: L'Islam. Ayant souvent voyagé au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Asie centrale ou en Indonésie, je m'y suis fait beaucoup d'amis musulmans. J'y ai parfois découvert des personnalités attachantes et chaleureuses, avec un sens de l'accueil qui m'impressionne. Il serait donc faux d'ostraciser l'Islam en tant que tel. En revanche, le système devient éminemment pernicieux quand il s'agit d'appeler à la guerre sainte de jeunes paumés qui n'ont pas réussi à s'intégrer chez nous. Est-ce leur faute, est-ce la nôtre ? Toujours est-il que ces bombes vivantes constituent un vrai fléau, tant là-bas qu'ici, et que mieux vaut traiter le mal à la racine, d'autant que la durée nécessaire à la radicalisation de ces gens-là peut être très courte. Dans ces circonstances, tant pis s'il faut prendre quelques raccourcis par rapport aux procédures habituelles. Ce qui compte, c'est d'intervenir vite et de protéger notre société et civilisation. Nos services de renseignement doivent être renforcés et les effectifs de police augmentés. Il ne saurait être question que notre pays devienne un nid de criminels plus ou moins crapuleux.

En d'autres termes, il s'agit de faucher l'herbe sous les pieds de ceux qui pourraient être tentés d'abuser de notre système, pour laisser en paix la grande majorité des étrangers – Européens ou d'outre-mer -, dont la présence est utile à l'équilibre démographique et à notre prospérité. N'oublions pas qu'on est toujours "l'autre" de quelqu'un. D'ailleurs, quand les troupes suisses ont taillé en pièce l'armée de Charles-le-Teméraire à Morat et à Grandson, nous autres Vaudois étions avec les Bourguignons. Et en 1815, au traité de Vienne, nous n'avons échappé au risque de repasser sous le joug bernois que grâce aux efforts de M. Jean-Frederic de La Harpe, qui était précepteur du Tsar ! Nous étions alors "les autres" aux yeux des Suisses. Et ce n'est pas bien ancien. Alors faisons à notre tour un effort de compréhension et d'ouverture, mais bien sûr sans perdre de vue la défense de notre patrimoine et de nos valeurs.

Cherchons en toutes choses le juste milieu. Que ce soit en matière d'aménagement du territoire, d'environnement, de fiscalité des entreprises ou de politique familiale, une approche tolérante – sans être laxiste – me semble de mise. En ce qui concerne nos infrastructures, il est évident qu'il nous faut les adapter tant qualitativement qu'en augmentant leur volume. Cela est particulièrement vrai dans l'Arc lémanique, où il est nécessaire d'augmenter les cadences ferroviaires et de renforcer aussi les autres moyens de communication. Pour répondre au besoin croissant de logements, une plus grande densification des constructions sera nécessaire. On est là typiquement face au dilemme de concessions qu'il nous faut accepter à court terme afin de préserver un long terme plus harmonieux. Il en va de même en ce qui concerne la protection de l'environnement et la transition énergétique. Dans le domaine économique, la fin des statuts spéciaux d'entreprises étrangères venues s'installer chez nous devrait avoir pour corollaire une baisse de l'imposition des entreprises, déjà mâtinée – dans le projet préparé par le Conseil d'Etat vaudois – de considérations sociales et favorables à la politique familiale. Quant à cette dernière, elle devrait bénéficier à toutes les familles, quelle que soit leur forme particulière : famille traditionnelle, monoparentale, recomposée, voire même homosexuelle. Car ce qui compte somme toute, ce sont les liens de confiance et de solidarité entre les membres de cette cellule de base de notre société.

Sachons être reconnaissants de cet héritage exceptionnel que nous ont légué nos aïeux. Cela ne peut se construire du jour au lendemain, même avec tout l'argent du monde. Notre système est le fruit d'une lente maturation et cela depuis plusieurs générations. Alors sachons protéger nos valeurs et ne pas laisser s'effilocher nos institutions. Mais en même temps sachons aussi rester ouverts au monde et gérons la transition nécessaire permettant à notre pays de jouer son rôle, tout en préservant notre prospérité future.

Claude Béglé