Un week-end de campagne dans le Chablais !
Avec un lac pareil, quel pays magnifique et quel privilège que celui de pouvoir vivre ici… même quand il pleut et qu'une couche de grisaille succède aux ardeurs de la canicule. Nous ne nous rendons trop souvent pas assez compte de ce que ce privilège a d'extraordinaire. Pris dans le flux de la vie active, cela finit par nous paraître normal, presque dû. Nous perdons à la longue notre capacité d'émerveillement, et c'est bien dommage. Car ce Jardin d'Eden où il nous est donné de couler des jours paisibles est aussi beau qu'extra-ordinaire. Il est en effet rare de retrouver ailleurs un écosystème aussi fertile, une telle abondance, un microcosme comme le nôtre.
Le coprésident du PDC, Claude Béglé, salue les réalisations de l'ancien homme fort de Singapour.
Le père fondateur de Singapour s’en est allé, laissant derrière lui un héritage dont peu de chefs d’Etat peuvent se prévaloir. Car il a relevé un défi un peu fou, compte tenu des circonstances de l’époque. Et malgré cela, il a réussi, d’ailleurs bien au-delà de tout ce qu’on aurait pu imaginer. Singapour s’est hissée en cinquante ans à peine au niveau des pays les plus prospères du monde.
Certes, il a mené le pays avec une main de fer. L’ordre et la discipline étaient de rigueur. Cela était en ligne avec sa vision confucéenne des choses. Mais Lee Kuan Yew aimait aussi s’inspirer de modèles ayant fonctionné ailleurs et qu’il considérait comme vertueux. C’est ainsi qu’il a donné à ses concitoyens pour objectif de reproduire autant que possible à Singapour le modèle de la Suisse. Il a érigé en principe le refus de toute corruption, ce qui est un tour de force dans cette région du monde. Lee Kuan Yew a d’ailleurs prêché par l’exemple, en évitant de s’enrichir lui-même de façon outrancière. Il a de même mis en place une administration publique en bonne partie calquée sur la nôtre. Tout cela a contribué au succès spectaculaire de Singapour.
Cependant, de toutes ces réalisations spectaculaires, celle qui me paraît la plus admirable n’est pas d’ordre matériel. C’est l’aptitude qu’a eue ce leader atypique à créer une culture propre à la nation qu’il a fondée, basée sur la tolérance et le respect mutuel. Une des règles de base en était l’acceptation inconditionnelle des croyances religieuses de chacun. Ou plutôt une tolérance zéro face à ceux qui refuseraient de permettre à autrui de suivre sa propre tradition.
Le sujet est intéressant. Car là où nos démocraties occidentales peinent à trouver une réponse appropriée à la montée en puissance de l’islam, Singapour a adopté une voie différente. Et avec succès. Au lieu d’interdire le port du voile, il le permet. Et ceux qui ne seraient pas d’accord s’exposeraient à de lourdes sanctions. En revanche, par effet de symétrie, il est attendu des musulmans le même esprit de tolérance vis-à-vis des chrétiens ou des hindous. En fin de compte, cela signifie que chaque religion a un droit similaire d’exister, d’être reconnue et respectée. Ce qui fait que bouddhistes, chrétiens, musulmans et hindous célèbrent ensemble le Nouvel-An lunaire, Noël et Pâques, Id-el-Fitri et le Diwali. Tout cela avec bonhomie et dans la bonne entente.
Lee Kuan Yew a aussi eu la sagesse, après trente ans de pouvoir, de se retirer, alors que rien ne l’y forçait, en passant la main à son successeur, et de redevenir simple ministre, ou plus précisément «mentor minister», celui qui accompagne, conseille et inspire… Voilà en effet un destin qui pourrait effectivement en inspirer plus d’un parmi ses pairs.
Claude Béglé, Co-président du PDC Vaud
Paru dans 24 Heures, le 31 Mars 2015
Claude Béglé, coprésident du PDC-Vaud, dessine les conséquences pour notre société des récents attentats.
Il y a eu l’horreur, avec à terre des athées, des musulmans, des juifs et des chrétiens, comme pareils dans la mort, mais certains innocents et d’autres lourdement coupables. Il y a eu ces familles en deuil que les circonstances ont privées d’intimité; de même que la tristesse et le sursaut de toute une nation.
Cela étant, deux des victimes principales de ce carnage à répétition risquent bien d’être le sens de la mesure et l’esprit de tolérance. Car comment maîtriser ses émotions face à ces images insupportables, qui risquent d’inciter certains à la haine et à la vengeance?
De surcroît, la menace se fait difficile à identifier. Au lieu qu’elle ne vienne comme au bon vieux temps de l’extérieur, l’ennemi est parfois déjà installé chez nous; ce qui est plus pernicieux. Cela risque d’entraîner une défiance généralisée, avec son raccourci le plus courant: le délit de faciès. Or, si l’on met au ban toute une partie de la population, cela pourrait bien constituer un terreau fertile à de nouvelles frustrations, avec d’inévitables dérapages et in fine de vocations intégristes.
«Notre société se doit de réagir face à la menace intégriste, au risque de se polariser»
Notre société se doit de réagir face à la menace intégriste, au risque d’ailleurs de se polariser elle-même. Cette lutte contre le terrorisme nécessitera impérativement un renforcement des services de renseignements, davantage de mesures préventives, une répression plus ferme et une réorganisation interne des prisons, afin qu’elles ne deviennent pas le creuset de rencontres subversives.
Les attaques concertées et les prises d’otages simultanées nous démontrent qu’on est face à un ennemi déterminé et organisé. Ce ne sont pas des loups isolés, mais des gens agissant de concert. Ils sont d’autant plus redoutables qu’ils savent œuvrer de façon connectée mais décentralisée, donc avec une capillarité qui leur permet de passer presque inaperçus avant qu’ils ne frappent.
Le rôle de nos autorités va se compliquer. L’arrivée de bateaux entiers de migrants présente en même temps un caractère d’urgence humanitaire et le risque d’infiltrations pernicieuses.
Par ailleurs, comment enrayer l’attrait de la violence sur certains jeunes de chez nous qui choisissent s’engager parmi les combattants djihadistes ? Et comment éviter que l’assassin de demain ne s’avère avoir été un de nos voisins? Il va donc falloir développer de nouvelles compétences: celle d’être vigilants sans se fermer aux autres, celle de défendre notre culture et nos valeurs sans se croire pour cela supérieurs, et celle d’aider les étrangers à s’intégrer chez nous, sans faire pour autant le lit de ceux qui en leur for intérieur ne le souhaitent pas ou n’en sont pas capables. Répression et intégration devront apprendre à danser un tango d’un nouveau genre.
Claude Béglé, Co-président du PDC Vaud
Paru dans 24 Heures, le 3 Février 2015